L’Enragé : Sorj Chalandon

Titre : L’Enragé

Auteur : Sorj Chalandon
Édition :

Résumé :
« En 1977, alors que je travaillais à Libération, j’ai lu que le Centre d’éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait être fermé. Ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs.

Entre ses hauts murs, où avaient d’abord été détenus des Communards, ont été « rééduqués » à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes avaient 12 ans.

Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé.

Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés. Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manquait à l’appel.

Je me suis glissé dans sa peau et c’est son histoire que je raconte. Celle d’un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d’un fauve né sans amour, d’un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues. »

Critique :
♫ Belle-Île-en-Mer… ♪ Désolée pour la ritournelle que je vous mets en tête, mais lorsque j’entendais parler de Belle-Île-en-Mer, c’était la voix de Voulzy qui chantait dans ma tête et je me sentais bien.

Après cette lecture, lorsque j’entendrai le nom de cette île, je penserai au bagne pour enfants et au poème de Prévert sur la chasse que les braves gens leur donnèrent, lorsqu’ils s’évadèrent (habitants et touristes leur coururent après).

Ces gosses, c’étaient les murs et l’eau qui les séparaient et les laissaient à part… Qui étaient-ils ? Des bandits, des voyous, des chenapans, des brigands, des assassins, des violeurs !!

Mais non, ma p’tit dame, mais non, mon bon monsieur, c’était juste des voleurs de poules, d’œufs, de pain, ou pire, des enfants dont le seul crime étaient d’avoir été abandonné par leurs parents. Oui, en ce temps-là, être orphelin était un crime punissable d’enfermement. Moi, ça me les a coupées (les jambes !). Je le savais, mais ça me fait toujours le même effet.

Moi qui me plaignais de n’avoir pas eu beaucoup de lectures coups de coeur en 2023, que beaucoup de romans ne m’avaient pas données mon quota d’émotions, avec celui de Sorj (je me permets, je lis son article tous les mercredis dans Le Canard Enchaîné « La boîte aux images »), je m’en suis prise plein la gueule. Et j’en redemande.

Jules Bonneau, notre futur évadé, n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche, il a morflé et à terminé sa route dans ce Centre d’éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer, autrement dit, un bagne où les gamins sont frappés, maltraités, utilisés comme main-d’œuvre corvéable à merci, le tout avec peu de nourriture par jour. Nous sommes d’accord, c’est un bagne ou un camp de travail. Même de la mort, certains y trouvant la fin de leur misérable vie.

L’auteur s’est basé sur une histoire vraie et à utilisé un des évadés, que l’on n’a pas retrouvé, pour lui prêter vie, pour lui donner un destin, des pensées, pour lui donner corps et nous faire vibrer à ses côtés.

On sent bien, au travers des pensées, des actes et des paroles de Jules, que c’est toute la rage de l’auteur qui se trouve dedans. Je ne lui donnerai pas tort, tout comme Jules, il n’a pas eu une enfance merveilleuse.

Attention, Jules, surnommé La Teigne, ne porte pas son surnom pour rien. C’est une teigne, il utilise ses poings, c’est un chien enragé, qui ne se laisse pas faire. Pas un caïd qui abuse sexuellement des plus petits, mais faut pas lui chercher des poux. Il a les poings serrés et pour l’amener à vous faire confiance, ce n’est pas évident. Il n’a pas envie de tendre la main, sans doute a-t-il peur de desserrer les poings.

Pas de pathos dans ce roman, pas de récit larmoyant pour faire pleurer dans les chaumières, même si, au cours de votre lecture, vous ne manquerez d’avoir votre petit cœur qui se serre et vos yeux qui s’humidifient un peu.

Attention, je ne pense pas que l’auteur ait écrit ce roman pour faire pleurnicher le lectorat, ou pour s’apitoyer. Mais bien pour pousser un cri de rage contre l’injustice des bagnes, ainsi que nous parler de la montée de l’extrémisme, dans cette France des années 30 où un certain moustachu vient de prendre le poste de chancelier et où on demande aux françaises de pondre des enfants, condamnant par-là même les faiseuses d’anges…

Ne nous y trompons pas, ce roman social est un roman noir, tout en étant un roman historique, qui dénonce ce que furent les bagnes pour des gamins qui n’étaient pas des criminels, mais qui en sortaient avec la haine chevillée au corps et peu d’espoir d’intégration.

C’est un cri qui vient des tripes, un cri de rage, un cri de haine envers ces adultes qui maltraitent les enfants, en tous lieux, dans toutes les époques. C’est un roman coup de poing, un roman coup de cœur. Un récit puissant, beau et violent à la fois.

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l’île
On voit des oiseaux
Tout autour de l’île
Il y a de l’eau

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu’est-ce que c’est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C’est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l’enfant
Il avait dit « J’en ai assez de la maison de redressement »
Et les gardiens, à coup de clefs, lui avaient brisé les dents
Et puis, ils l’avaient laissé étendu sur le ciment

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant, il s’est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes, les touristes, les rentiers, les artistes

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C’est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l’enfant
Pour chasser l’enfant, pas besoin de permis
Tous les braves gens s’y sont mis
Qui est-ce qui nage dans la nuit ?
Quels sont ces éclairs, ces bruits ?
C’est un enfant qui s’enfuit
On tire sur lui à coups de fusil

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent ? Rejoindras-tu le continent ?

Au-dessus de l’île
On voit des oiseaux
Tout autour de l’île
Il y a de l’eau

Jacques Prévert

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°051].

Jeanne Du Barry : Maiwen [Par Dame Ida, Critique très Critique, Envoyée Spéciale en Direct du Passé, Licenciée de l’Université Stéphane Bern pour fautes graves d’orthographe]

Film de 2023, produit et dirigé par Maïwen dans le rôle titre.

Synopsis : 
Jeanne Gomard de Vaubernier, une jeune femme d’origine modeste, cherche à s’élever socialement en utilisant ses charmes.

Son mari, le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, la présente au Roi, avec l’aide du duc de Richelieu.

Le Roi s’éprend de sa nouvelle conquête et décide d’en faire sa favorite officielle.

Critique :
On en a fait une fracassante promotion sur les plateaux de télévision. On vous en a parlé en boucle pendant plusieurs semaines pour vous inciter à le voir…

Vantant la modernité du personnage de Jeanne Du Barry, son destin exceptionnel…

Et surtout la distribution avec la fameuse actrice-productrice-metteuse en scène Maïwen qui s’était fait là un rôle supposé à sa mesure… et la présence du sulfureux acteur Johnny Deep, qui sortait d’un procès retentissant contre son ex compagne dans un climat d’alcoolisme, de prises de drogues et de violences conjugales…

D’ailleurs Maïwen était poursuivie elle-même pour une agression contre le fondateur de Médiapart… Voilà une jolie promo pour un film… Et pourtant l’adage « qui se ressemble s’assemble » ne signifierait pas que Maïwen et Deep, se soient bien entendus pour autant sur le tournage à en lire les indiscrétion qui auraient fuité dans la presse.

Bref tout les arguments étaient réunis pour qu’on parle du film… Mais le film lui-même méritait il que l’on en parlât pour autant ?

Et bien… Oui. Mais pas pour en dire du bien.

Si Maïwen semble avoir aimé se mettre aux films en costume et attribuer à la du Barry son propre goût de l’impertinence, le fait est qu’elle s’arrange considérablement avec l’Histoire, ne s’étant que contenté de donner une substance historique à son scénario en grappillant quelques éléments isolés placés ça et là comme des cheveux dans la soupe, sans cohérence et décontextualisés.

On se référera au « Secret d’Histoire » de Stéphane Bern sur la du Barry pour comprendre à quel point on est ici loin du compte… Même si les documentaires de Bern sont souvent un peu trop hagiographiques, présentant le plus souvent une version très idéalisée de ses sujets et du temps jadis, ils ont le mérite de ne pas travestir la réalité historique.

Bref, inclure quelques bonnes phrases historiques dont certaines sont douteuses (« un instant monsieur le bourreau »… qui seraient ses derniers mots, ne sont pas attestés) ne suffit pas à faire un film historique qui raconte tout sauf l’histoire des personnages réels dont on prétend parler.

Une fois de plus je m’interroge sur l’abêtissement des foules par la production et de films soi-disant historiques qui racontent tout, sauf ce que les historiens attestent de la vérité historique. On a le droit de raconter n’importe quelle histoire, si on veut… Mais à condition de ne pas l’associer à des noms de personnages avec lesquels le scénario n’a qu’un faible et vague rapport.

Que dire des anachronismes fort nombreux, à commencer par les tenues et les coiffures (dont certaines totalement improbables), sachant que La du Barry réputée pour son élégance de chaque instant, ne se serait JAMAIS présentée cheveux lâchés à la cour, ni sans être savamment apprêtée.

En son temps, jusqu’à la mort du Louis XV, c’est elle qui fit la mode à Versailles ! Même la scène de présentation à la cour est grotesque, d’autant que les pièces montées capillaires, dont l’usage fut lancée par Marie Antoinette, n’arrivèrent que bien plus tard…

Vouloir faire de Jeanne du Barry une icône du féminisme est à mon sens une bêtise suprême, car notre vision moderne du féminisme peut difficilement être plaquée sur une femme qui a été le jouet soumis des hommes, que ce soit ses clients ou le frère de son mari, qui a été son proxénète (il l’a faite épousée par son comte de frère juste pour qu’elle puisse venir à la cour), jusqu’à ce que les fortunes dépensées pour elle par Louis XV lui permette de s’émanciper et d’être plus libre de ses amours une fois le souverain trépassé.

Une femme vendue comme un quartier de viande et qui dans la réalité historique attestée avait été beaucoup « brocantée » jusqu’à l’épuisement, avant qu’on ne la mette sur le chemin du roi, me semble tout d’abord une victime.

C’est l’amour réciproque, attesté par les historiens, entre Louis XV et la du Barry qui a pu la sauver…

Et contrairement à d’autres maîtresses royales, telles la Montespan, la Maintenon ou la Pompadour, jamais la du Barry n’a revendiqué un quelconque pouvoir sur le roi ou sur la politique, même si certains hommes ont de profité de son influence pour se placer à des postes importants.

Et que dire de la bonne entente entre la du Barry de ce film et le jeune futur Louis XVI (fils de Maïwen… vive le népotisme !) bien trop séduisant par rapport au modèle original, obèse et gauche ?

Le dauphin, tout comme la dauphine, méprisaient la du Barry !

Et puis, la du Barry était grande, d’une stupéfiante beauté, bien plus jeune que ne parvient à le paraître l’actrice principale, malgré les artifices, et d’une parfaite éducation, malgré sa modeste extraction.

Ne se prostituant pas à temps complet, et seulement dans l’aristocratie, en raison de sa beauté, elle avait travaillé dans sa jeunesse comme coiffeuse, puis dans une boutique de mode huppée et avait développé un sens aigu de l’élégance et une façon de parler suave et policée. Jamais on ne l’aurait vue attifée en souillon échevelée s’exprimant comme une fleur de trottoir, à la cour !

Jamais le modèle original n’aurait était aussi provocatrice que ce que nous en montre ce film.

Maïwen fait de cette femme une pathétique gourgandine effrontée… Alors que le seul aspect révolutionnaire du personnage est que, malgré ses origines modeste et son parcours prostitutionnel, elle était simplement parvenue à s’approprier tous les codes de l’aristocratie et de les sublimer mieux que les aristocrates n’en étaient capables !

C’est surtout cela qui lui était reproché ! Ancienne courtisane devenue maîtresse royale à la place des femmes de la cour qui lorgnaient la place, sans avoir les compétences pour retenir l’attention du monarque, elle était plus belle, plus élégante et d’un comportement plus charmant que les autres candidates de haut rang.

C’est pour cela qu’on la détestait. Pas parce qu’elle se comportait vulgairement comme elle l’aurait dû si elle était restée à sa place…

Mais justement parce qu’elle démontrait que savoir se comporter en personne éduquée, ou en aristocrate et être élégante n’était pas un privilège inné de naissance, mais celui de l’argent.

Elle était insupportable parce qu’elle avait démontré que les frontières des castes sont arbitraires et pouvaient être traversées par qui avait assez de talent pour le faire. Pas parce qu’elle importait réellement à la cour, la crasse plébéienne à laquelle on tentait de la renvoyer et à laquelle, justement, Maïwen la renvoie injustement, n’ayant visiblement rien compris à l’essence révolutionnaire de cette femme à qui la révolution fera le même reproche, la décapitant parce qu’elle n’était pas restée dans sa caste.

Maïwen en n’ayant pas compris où était le côté réellement iconoclaste de son sujet, la rabaisse pour le coup à une place de morue mal élevée et pouilleuse, qui aurait convaincu le roi lui-même de renoncer à la perruque en public ! N’importe quoi ! Combien de scènes nous les montrent comme un couple de crasseux, habillés à la va-vite et coiffés comme des dessous de bras, alors que l’un et l’autre étaient dans la réalité d’une élégance toujours soignée et apprêtée en public.

Maïwen n’a visiblement pas compris que les amateurs de « films en costumes » apprécient assez peu que des personnages réputés tous les deux pour leur élégance puissent être présentés comme des clochards. Surtout quand le prétexte historique à ces costumes se trouve autant malmené.

Anybref, si vous voulez réellement apprendre quelque chose sur ce personnage qui est bien plus dense et profond qu’on ne veut bien le dire et dont les charmes ne se résumaient certainement pas à ses savoir-faire sexuels, allez plutôt lire ce que nous en disent les biographies historiques publiées à son sujet, mais fuyez en courant cet insupportable navet qui n’est qu’un clou rouillé de plus dans le cercueil de sa mémoire.

Les Dalton – Tomes 01 / 02 : Olivier Visonneau et Jesùs Alonso

Titre : Les Dalton – 01 – Le premier mort / 02 – Le dernier jour

Scénariste : Olivier Visonneau
Dessinateur : Jesùs Alonso

Édition : EP Media Wanted Collection (2016 / 2017)

Résumé :
Coffeyville, Kansas, est le théâtre du dernier braquage du gang des Dalton. Traqués par toutes les polices du pays, les trois frères décident de dévaliser simultanément les deux banques de la ville avant de fuir vers l’Argentine.

Le hold-up tourne court. Bob et Grattan sont cernés par les citoyens de Coffeyville armés jusqu’aux dents.

Emmet, le cadet, timide et introverti, assiste de loin au terrible guet-apens. Le poltron de la fratrie trouvera-t-il le courage de sauver ses frères du déluge de feu qui va s’abattre sur leur tête ?

Critique :
Tout le monde connaît les Dalton… Oui, mais, les connaissons-nous vraiment ?

Je veux dire, autrement que par Lucky Luke où les vrais Dalton (pas leurs cousins bêtes et méchants) avaient, eux aussi, les mêmes têtes  (voir l’album Hors-la-loi) ? Non, nous ne savons rien d’eux.

Les frères Dalton n’avaient pas la même tronche et de plus, ils ont commencé leur carrière au service de la loi : ils étaient marshall.

Le premier tome commence par l’attaque de la banque de Coffeyville, au Kansas (des fois que vous voudriez la braquer aussi) et nous retrouvons les frères Dalton en voleurs, des bandits de grands chemins. Après un cliffhanger, le récit fait un petit tour en arrière et nous présenter les frères, du temps où ils étaient d’honnêtes gens. Mal payés, payés au lance-pierre, mais honnêtes.

Problème, quand vous ne payez pas les gens correctement et qu’ils n’ont plus un sous vaillant en poche, il est tentant de se diriger du côté obscur de la Force afin de se remplir les poches.

Certes, cette bédé western s’est inspirée librement de la véritable histoire des frères Dalton, mais au moins, elle est plus réaliste que la version de Morris. Par contre, elle est moins drôle. Pas originale, parce que le scénario est ultra classique, mais elle est réaliste, sérieuse et bien loin de ce que nous pensions des frères Dalton.

Du côté des dessins, tout allait bien aussi, rien d’extraordinaire, mais de bons dessins, bien agréables à suivre.

Le second album est explosif, puisque l’on a des attaques, des coups de feu, des armes, des poursuites, des chevaux, bref, c’est un western tout ce qui a de plus classique et de plus conventionnel, et pourtant, ça marche toujours. Notamment grâce à l’ajout d’une femme qui va jouer les agent double, sans avoir froid aux yeux, ni même aux fesses.

Anybref, ces deux albums sont bons, pas exceptionnels, mais ils font leur job, divertir et cultiver, le tout avec des personnages ayant réellement existés. On pourrait même se surprendre à les apprécier, ces frères.

De plus, le final nous réservera quelque surprise. Alors, what’else ?

PS : ces deux albums existent aussi en intégrale.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°039] et Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023.

Pocahontas : Patrick Prugne

Titre : Pocahontas

Scénariste : Patrick Prugne
Dessinateur : Patrick Prugne

Édition : Daniel Maghen (13/10/2022)

Résumé :
1607 : Trois navires anglais accostent en Virginie. Une centaine de colons débarquent et construisent le premier fort anglais en Amérique qui deviendra Jamestown.

Les indiens Powhatan n’auront de cesse de vouloir rejeter à la mer ces nouveaux venus bien inquiétants. Dans ce conflit latent, seule Pocahontas, fille du chef Powhatan tentera de rapprocher les deux peuples.

La narration commence en 1621 par une tentative de traité de paix entre tribus indiennes et colons du fort et se poursuit par des flash-backs sous forme d’un dialogue entre Pamouic, le fils du chef Powhatan et le narrateur. Leurs interventions rappellent constamment la place centrale jouée par Pocahontas sur la destinée des colons.

Basée sur la légende, l’histoire souligne crescendo les rapports amoureux entre le capitaine Smith et la jeune indienne… D’eux dépendra l’avenir de la colonie.

Critique :
Non, je n’ai jamais vu le dessin animé éponyme de Disney, ça ne m’a jamais tenté. Oui, je savais que les studios avaient embellis l’histoire.

Non, je n’ai pas ri de la blague de Donald Trump qui avait annoncé, devant des Amérindiens vétérans de la Seconde Guerre, que la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, était surnommée Pocahontas, en référence à ses origines amérindiennes qu’elle revendiquait.

Par contre, je me souviens avoir ri devant le jeu de mots qu’un humoriste belge avait fait avec Pocahontas, le transformant en « Pourquoi on taxe ? ». Notre gouvernement devait encore être atteint de rage taxatoire à  l’époque de la sortie du dessin animé.

J’aime bien les bandes dessinées de Patrick Prugne, autant pour ses dessins, des aquarelles, aux couleurs magnifiques, et pour ses scénarios, qui collent plus à la réalité historique qu’à son embellissement.

Des colons ont installés un fort, le premier en Amérique.  Les colons sont anglais et ce fort deviendra celui de Jamestown. Nous sommes en Virginie en 1607 et la vie des natifs va basculer.

Les Powhatan, la tribu présente non loin du fort, veut repousser les blancs dans l’eau (ils auraient dû), mais une personne s’y oppose, c’est la fille du chef, la jeune rebelle Pocahontas, qui va ensuite se lier d’amitié avec John Smith et sans doute l’aimer (sans consommer). En tout cas, elle lui sauvera la peau plusieurs fois et elle aidera même les colons à ne pas mourir de faim durant le terrible hiver.

Les bonnes actions ne sont pas toujours bien récompensées et si les colons la surnomment princesse et la respecte, un trou du cul galonné n’en aura rien à foutre et là, on en viendrait presque à regretter les happy end à la Disney…

Cette jeune fille rebelle, ouverte d’esprit, remplie d’humanité, terminera sa vie, malade, chez les Blancs, bien loin des siens et de sa culture. Elle avait 22 ans, la vie devant elle, mais d’autres gens en avaient décidé autrement.

Les expressions faciales des personnages est bien rendue, les dessins les rendent vivants, rien n’est figé. Quant au scénario, il possède aussi de la profondeur, car il ne se contentera pas de parler de cet épisode historique, mais il abordera aussi d’autres sujets, tels que la nature, son respect, la condition humaine, l’ouverture d’esprit, les différences de culture, les tentatives de vivre en harmonie.

Une magnifique bande dessinée, remplie d’émotions, bien loin d’un dessin animé pour les petits enfants sages. Au moins, Disney aura permis qu’on ne l’oublie pas, même si sa vie ne fut pas celle de la fiction.

La réalité est toujours plus dure, plus violente, plus horrible. Surtout lorsque l’on sait, de nos jours, ce que fut la colonisation de l’Amérique et le sort réservé à ses autochtones…

Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023.

Le bon, la brute, le truand : Joe Millard

Titre : Le bon, la brute, le truand

Auteur : Joe Millard
Édition : Gallimard Série noire (1969)
Édition Originale : The Good, the Bad, the Ugly (1967)
Traduction : Chantal Wourgaft

Résumé :
L’un connaissait le nom du cimetière où l’or avait été enterré. Le second connaissait le nom inscrit sur la tombe. Le troisième ne savait rien, mais il espérait bientôt tout savoir.

Autour d’eux des hommes mouraient par centaines, dans la plus implacable des guerres civiles.

L’or et tous ses démons assoupis savaient que personne ne voudrait partager.

Critique :
Hé oui, ce western spaghetti ultra connu existe aussi en roman, paru dans la mythique Série Noire ! Je signale que « Et pour quelques dollars de plus… » est du même auteur aussi.

Ces romans sont en fait les novélisations des films (ils n’existaient pas avant). Et je trouve que c’est une bonne idée, parce qu’un roman peut être plus détaillé qu’un film, plus explicite,…

Lors de mon premier visionnage de ce film western, je n’avais pas tout capté avec l’origine du trésor planqué dans le cimetière de Sad Hill.

Dans la novélisation, tout est bien plus clair, puisque l’histoire commence avec l’attaque du transport de fond des Confédérés par les Yankees. On assiste à la quasi extermination de l’escorte, des conducteurs du train de mules et c’est Jackson, un des garde, blessé mais vivant, qui arrive à stopper les mules après leur emballement, dans le cimetière et qu’il décide d’enterrer le magot dans une tombe…

Ben voilà, tout est clair ! On apprendra ensuite que le dénommé Jackson est lavé de tout soupçon dans la disparition du magot Confédérés (ces sales Yankees ont tout volé), les deux autres blessés n’ont rien vu et qu’il a changé ensuite son nom de Jackson en Bill Carson, afin de récupérer tranquillement son magot, sauf que le terrible Sentenza est sur sa piste…

Le roman est la copie conforme du film, hormis le premier chapitre, qui ouvre le roman et qui nous fait mieux comprendre tous les enjeux de ce trésor enterré (et qui devait servir à payer les soldats Confédérés).

L’avantage d’avoir vu le film, c’est que lors de la lecture, les images se forment sans devoir forcer sur l’imagination. Ce sont des pans entiers du film qui viennent dans notre esprit (pour peu qu’on l’ait vu et revu), les voix des acteurs jouent dans notre tête et le plaisir est décuplé.

Mais tout n’est pas exactement comme dans le film. Bon, il manque la musique, mais ça, on peut y remédier…

Dans la novélisation, il manque, lors de l’explosion du pont, le visage souriant de l’officier qui meurt en paix, sachant que ses hommes ne mourront plus pour ce maudit pont. Il manque aussi l’épisode où Blondin, à l’aide de son cigare, allume la mèche d’un canon pour envoyer un boulet sur Tuco, qui s’enfuyait au galop.

Mais les plus grosses différences sont dans le cimetière de Sad Hill où, dans le film, on voyait Tuco courir comme un poulet sans tête, dans le cimetière (et la musique magnifique  « The Ecstasy of Gold »), à la recherche de la tombe de Arch Stanton. Dans le roman, il cherche avec Blondin et Sentenza les surprend.

Et bien entendu, la scène du duel n’a rien à voir avec celle du film, qui est remplie de suspense, qui dure un bon moment, avec des gros plans sur les visages de nos trois tireurs, les mains qui se rapprochent des révolvers, et, bien entendu, la musique de Ennio Morricone derrière. Zut alors, dans le roman, la scène du duel est trop rapide et ne se joue qu’entre Blondin et Sentenza.

Par contre, Tuco est fidèle à lui-même dans le roman et le film ! Un peu crétin, prêt à vous jurer qu’il vous aime, que vous êtes son ami, après vous avoir agoni d’injures et avoir voulu vous planter le couteau dans le dos…

Anybref, ce western fait partie de mes films préférés, de ceux dont je ne me lasse jamais et le lire a été plus qu’un plaisir pour moi. Presque une jouissance !

Surtout quand on sait que ce roman est rare (comme l’autre du même auteur), qu’il peut atteindre des prix de fous sur le Net et qu’il faut une bonne dose de chance de pendu pour mettre la main dessus (le hasard fait souvent bien les choses). J’espère arriver à avoir la même chance pour « Et pour quelques dollars de plus… ».

— Le monde se divise en deux, fit Tuco en gloussant. Ceux qui ont une corde autour du cou, et ceux qui les en délivrent. (Il se frotta la gorge.) Mais n’oublie pas, señor, que ce cou est le mien. Les risques, c’est moi qui les prends ; toi, tu te contentes de tirer et de te tailler. La prochaine fois, il faudra augmenter ma part !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°036], Le Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur et Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023.

Gibier de potence – 4 Tomes : Fred Duval, François Capuron et Fabrice Jarzaguet

Titres : Gibier de potence – 01 Le jardin des lys / 02 La brigade de fer / 03 Six secrets / 04 Kansas river

Scénariste : Fred Duval & François Capuron
Dessinateur : Fabrice Jarzaguet

Édition : Delcourt – Conquistador (2001 / 2007)

Résumé :
États-Unis, 1865. La Guerre de Sécession touche à sa fin. Madame Granger n’a désormais plus qu’un seul but : retrouver son époux, prisonnier des Nordistes.

Alors qu’il est détenu au fort Mac Laglen, et résiste aux interrogatoires musclés des tuniques bleues, elle ira jusqu’à voler les dollars destinés à la réparation de l’église de la bourgade de Church Hill !

Un hold-up organisé en famille, dont les bénéfices serviront à lever une armée, et à tirer son homme des pattes de ses ennemis.

Critique :
Vous connaissez mon engouement pour le western… Voilà pourquoi j’ai acheté cette série de quatre bédés, lues l’une après l’autre.

Le scénario est assez classique, mais il a fait le job de me divertir et de m’entrainer dans des aventures assez folles et même, inattendue.

L’histoire commence dans le Tennessee (dont on a tous quelques chose en nous), en 1865.

La guerre de Sécession touche à sa fin, les Sudistes sont en train de perdre et des prisonniers des Johnny Reb sont amenés au fort Mac Laglen et le colonel Granger, un Sudiste est interrogé de manière forte par le capitaine Lopeman, un officier Nordiste de la Brigade de Fer. Le colonel a disparu pendant plusieurs mois et l’officier Nordiste voudrait savoir ce qu’il a fait, car il soupçonne des choses graves…

Les deux premiers tomes concernent la même affaire, à savoir, découvrir le secret bien caché du colonel Granger. L’aventure sera menée par son épouse, sa fille, son jeune fils, quelques Bushwakers (des francs tireurs sudistes) et un métis Indien.

On a des rebondissements, une course-poursuite, parce que vous pensez bien que Lopeman ne va pas les laisser filer ainsi, on a de la bagarre, du suspense, un secret bien caché et une fois les deux premiers albums terminés, on n’a qu’une seule envie : poursuivre la lecture pour savoir ce qu’il va arriver aux différents protagonistes.

La série n’a rien d’exceptionnel, si ce n’est qu’elle est un bon divertissement et qu’elle se lit facilement. Les personnages ont parfois un petit côté stéréotypés, mais certains évoluent, comme l’officier Lopeman, qui n’hésite pas à nouer des alliances si ça le sert. On ne peut pas lui donner tort non plus…

Les deux albums suivants concerneront une autre affaire, même si nous apprendrons ce qu’il est advenu de notre petite troupe et de leurs déboires.

Dans les tomes 3 et 4, il est question de chemin de fer, de vengeance, d’un méchant richissime, de coups bas, des magouilles, bref, on ne s’ennuie pas, mais le suspense deux tomes 1 et 2 est retombé, le scénario devient un peu poussif et j’ai trouvé que les deux derniers albums étaient moins intéressants que les deux premiers. Ils leurs manquaient le pep’s, les épices, les étincelles pour nous mettre le feu.

De plus, j’ai eu l’impression que le final été expédié en quelques cases, les auteurs nous informant, en quelques lignes, du destin de leurs personnages. Ça fait retomber le soufflé, surtout après les aventures que l’on venait de vivre.

Malgré tout, j’ai pris plaisir à découvrir cette série de 4 albums, notamment grâce au scénario des deux premiers albums et aux dessins, qui, bien que anguleux, étaient bien réalisés. Le tout dans des tons assez chauds.

  • Tomes 1 & 2 : 3,5 Sherlock
  • Tomes 2 & 3 : 3 Sherlock

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°000] et Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023.

La véritable histoire du Far West – T04 – Little Big Horn : Luca Blengino et Antoine Giner-Belmonte

Titre : La véritable histoire du Far West – T04 – Little Big Horn

Scénaristes : Luca Blengino et David Goy
Dessinateur : Antoine Giner-Belmonte

Édition : Glénat (26/04/2023)

Résumé :
C’est un beau jour pour mourir !

Été 1874, Territoire du Dakota. De l’or est découvert dans les Black Hills, la terre sacrée des Sioux. En pleine période de récession, le gouvernement américain cherche un moyen pacifique d’acquérir cette contrée aux dépens des Indiens et de satisfaire les velléités d’expansion des colons.

Mais les négociations échouent. Au printemps 1876, la guerre est déclarée. Tandis que trois colonnes sont lancées simultanément à la recherche des bandes irréductibles, le chef Sitting Bull décrète l’union sacrée et prend la tête d’une vaste coalition de Sioux et de Cheyennes.

Les États-Unis s’apprêtent à fêter le centenaire de leur indépendance et personne ne peut imaginer le désastre qui va suivre…

À la tête du 7e régiment de cavalerie, le fer de lance de l’armée fédérale, le lieutenant-colonel George Armstrong Custer entend bien mener ses hommes à la victoire et entrer dans la légende.

Le dimanche 25 juin, après un combat d’une extrême violence, les tuniques bleues essuient leur plus cinglante défaite dans leurs affrontements contre les tribus amérindiennes. Il n’y a aucun survivant parmi les troupes placées sous les ordres directs de Custer.

À la stupéfaction générale s’ajoute l’humiliation d’une défaite qui ne cessera pas d’alimenter la controverse. Mais que s’est-il réellement passé à Little Big Horn ?

Critique :
Little Big Horn… Pour l’armée américaine, ce fut une défaite terrible. Une bataille mal préparée, un Custer qui était persuadé de gagner sur les sauvages et qui s’est tout pris dans les dents. Il est resté sur le carreau.

Les Black Hills regorgent d’or, de territoires de chasses, de terres à cultiver et comme d’habitude, le traité signé avec les Indiens et qui leur garantissait que ces lieux resteraient à eux.

La langue des Hommes Blancs est fourchue et les traités, ils les déchirent très vite, puisqu’ils n’ont aucune parole. Pour les Indiens, la terre est sacrée et ils vont se révolter.

Était-ce possible de synthétiser un pareil épisode historique en 46 pages ? En tout cas, les dessins me plaisaient bien, ils étaient réalistes, réalisés avec beaucoup de finesse, alors, j’ai craqué. Même si je connaissais la fin, cela n’a pas empêché le suspense de monter et entre nous, j’étais plutôt du côté des Indiens…

La réalité n’est pas celle que Hollywood nous a montré. Les Indiens n’ont rien à voir avec les guerriers qui se faisaient dézinguer par le beau héros habillé de bleu ou le cow-boy viril et solitaire (je ne parle pas de Lucky Luke, lui est dans le registre de l’humour).

Oh que non… Les guerriers Indiens sont impitoyables, organisés et n’ont pas, comme les Tuniques Bleues, fait la sourde oreille aux ordres ou à la stratégie, comme le fit Custer, qui, pressé de massacrer ses ennemis, est allé se foutre droit dans la gueule des loups.

L’auteur Farid Ameur (historien spécialiste de la Conquête de l’Ouest) a collaboré sur cette bédé et l’équipa a réussi, en une quarantaine de pages, à rendre possible cette synthétisation de cette grande bataille. Bon, il manque sans doute des détails, mais l’essentiel est là, c’est le plus important.

De toute façon, en fin de bédé, une dizaine de pages manuscrites, ainsi que des cartes, vous apporterons plus de lumière sur les mouvements des troupes, qu’elles soient de la cavalerie américaine, ou de l’union entre Sioux, Cheyennes, Blackfeet, Hunkpapas, Miniconjous,… Dans la bédé, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver, dans tous les mouvements des guerriers.

Une bédé réaliste, historique, qui parle des événements qui eurent lieu les 25 et 26 juin 1876, aux abords de la Little Big Horn River (située dans l’est du Montana) et qui virent s’affronter les guerriers Indiens et les Tuniques Bleues. Les dernières cases seront pour les répercussions de cette victoire des Indiens… On leur a fait bouffer cette victoire…

De nos jours, les Amérindiens demandent toujours la restitution de leurs terres (ben oui, les Blancs les leur ont prises, vous pensez bien !) et refusent toutes les indemnisations proposées par le gouvernement. Ils veulent juste leurs terres, pas le fric.

Une bédé choc, même si on connait cette bataille légendaire.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°000], Le Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur, Le Challenge Amérique du Nord anglophone chez ENNA LIT, ENNA VIT! et Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023.

La hache de guerre : Jacques Seyr

Titre : La hache de guerre

Auteur : Jacques Seyr
Édition : Marabout Junior (1955)

Résumé :
Au milieu du XIXe siècle, les vastes espaces de l’ouest américain furent ouverts aux émigrants, et cela, en dépit de tous les traités qui garantissaient aux Indiens l’intégrité de leurs territoires de chasse.

Alors, les tribus peaux-rouges se levèrent et déterrèrent la hache de guerre.

Sioux, Cheyennes, Apaches s’élancèrent au combat et, parmi eux, des guerriers à jamais célèbre comme Red Cloud, Sitting Bull, Cochise et Geronimo.

Critique :
Dans les brocantes (vide-greniers) ou dans les bouquineries, j’adore fouiller pour les vieux romans édités chez Marabout Junior et surtout dans ceux qui concernent l’Ouest sauvage. Leurs pages sentent souvent l’odeur du vieux papier et ça me plait aussi.

Pour celles et ceux qui ne le sauraient pas, l’auteur, Jacques Seyr, est un pseudo d’Henry Vernes (le papa de Bob Morane). Je l’ai appris en créant la fiche du livre sur Livraddict (les recherches ont payées).

Datant de 1955, je m’attendais à un récit orienté et manichéen : les gentilles Tuniques Bleues, les merveilleux colons Blancs et les méchants horribles Indiens emplumés. Eh ben non, pas de manichéisme chez Marabout et on s’en rend compte dans l’introduction du roman. Ma mâchoire s’est décrochée tant je n’imaginais pas lire ça dans un roman datant de 1955 !

Dans cette intro, il est souligné que les Blancs n’ont jamais respecté leurs traités, leurs paroles données, qu’ils ont été violents, qu’ils ont massacrés et exterminés les Indiens. Mais on ne transforme pas non plus les Natifs en gentils Bisounours ! Il est dit que eux aussi ont assassinés et massacrés.

Mais l’intro va plus loin, puisqu’elle assimile les colons Blancs aux nazis, disant que la seule différence entre eux, était la froideur des nazis et leur côté scientifique pour assassiner les gens (chambres à gaz et fours crématoires). Par contre, les colons Blancs ont, bien avant 39-45, mis au point des camps de concentration pour y mettre les Indiens.

Pourtant, le bandeau de couverture annonçait la couleur : « L’histoire authentique et fascinante de la lutte des tribus peaux-rouges pour leur indépendance ». Pour une fois, le bandeau-titre était juste !

Ce court roman de 150 pages parle des révoltes des Indiens, commençant pas Little Crow qui, un jour, en a eu plein les mocassins de se faire traiter comme un moins que rien par les Blancs. Puis, après sa mort, les autres prendront la relève, notamment Red Cloud, Sitting Bull, Geronimo,…

Moi qui m’attendais à lire un roman d’aventure fictionnel, mettant en scène les Amérindiens dans leurs guerres et je me suis retrouvé avec un récit historique des plus classiques. Il y a peu de dialogues et chaque chapitre est consacré à une histoire qui se rapporte à la révolte des Indiens et à la guerre qu’ils ont menés contre les Blancs.

Nous aurons, par exemple, un chapitre consacré au massacre de Sand Creek (qui a encore plus mis le feu aux poudres), un autre à l’exploit d’un homme qui, en plein hiver, blizzard de neige, est allé chercher du secours au Fort Laramie, on nous parlera des assassinats des grands chefs Indiens (quelle traîtrise chez les Blancs), de la lutte de Geronimo, un petit peu de Little Big Horn,…

Les chapitres ne suivent pas une ligne du temps linéaire, mais se croisent, se recoupent, se rejoignent, sautent des années et le tout donnera une vue d’ensemble des multiples conflits qui ont émaillés la Conquête de l’Ouest, les traîtrises, les vacheries, les paroles non respectées, les refus de faire la paix du côté des Blancs.

En 150 pages, il est difficile d’entrer dans les détails, mais au moins, en lisant ce petit ouvrage, on a déjà tout compris et pas de manière binaire ou manichéenne. Ce n’était pas le but des éditions (belges) Marabout Junior que de publier des récits fictionnels, mais « […] une sélection de récits complets de palpitantes aventures à travers la vie, l’histoire, l’univers […] ».

Si vous ne savez rien ou pas grand-chose des guerres indiennes et des luttes qu’ils menèrent contre les colons, ce petit roman historique vous apprendra le nécessaire et si vous savez beaucoup, il aurait le mérite de vous remettre la mémoire à jour (surtout si, comme moi, elle est comme une passoire).

Un petit roman historique bien intéressant et que je ne regrette pas d’avoir acheté pour une bouchée de pain (quoique, au prix du pain maintenant, ça fait cher la bouchée).

PS : Les Marabout Junior ont surtout publié des récits de guerre, des biographies et des récits didactiques (sur les grandes polices du monde, sur le tour de France, l’histoire de la médecine, etc.), mais aussi des romans, comme les aventures Bob Morane, pour citer les plus connues.

Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023 et le Challenge Amérique du Nord anglophone chez ENNA LIT, ENNA VIT!

Molly West – T01 – Le diable en jupons / T02 – La vengeance du diable : Philippe Charlot et Xavier Fourquemin

Titre : Molly West – T01 – Le diable en jupons / T02 – La vengeance du diable

Scénariste : Philippe Charlot
Dessinateur : Xavier Fourquemin

Édition : Vents d’ouest (2022)

Résumé :
Elle fait trembler le Far West.

Dans le sud des États-Unis, à la fin de la guerre de Sécession, l’arrivée d’une femme originaire des États du Nord surprend et dénote.

Les manières raffinées et courtoises d’Isabelle Talbot s’accordent parfaitement avec sa mission d’enseignement mais font tache dans l’atmosphère rude et crasse des villages texans. Attention toutefois à celui qui confondrait ces bonnes manières avec de la naïveté ou de la niaiserie…

Car derrière l’aura de douceur, Isabelle a enterré les traces d’un passé rempli de souffrance qui s’est mué, au fil du temps, en colère sourde. Malheur à celui qui, se servant de son apparente docilité, lui fera porter le chapeau d’un mauvais coup…

Critique :
J’adore les western et les bédés aussi, alors, les deux ensemble, je ne peux qu’être tentée. De plus, j’ai déjà lu des séries de ces deux auteurs, donc, j’étais en pays connu.

Cette série mélange l’humour et le sérieux, le côté comique et le côté dramatique.

Je ne la conseillerai pas à des enfants, puisque dans la scène d’ouverture, on découvre un homme pendu avec un jeune garçon qui tente de lui piquer ses bottes.

La Guerre de Sécession est terminée, nous sommes au Texas, mais les rancœurs sont toujours là, la misère est bien présente et les pauvres Noirs, qui sont devenus libres, tirent le diable par la queue. Ils sont toujours mal traité dans le Sud, mais ils n’ont pas été mieux considérés dans le Nord.

Isabelle Talbot est chargée d’une mission importante : transporter des livres ! Oui, notre jeune femme est engagée pour convoyer et livrer un chargement de livres à travers plusieurs villes et fermes. Apporter la culture dans les coins reculés, c’est-y pas merveilleux ? Merveilleux ou alors, il y a une couille dans le potage !

Arti, le gamin qui tentait de chiper les bottes du pendu va accompagner Isabelle et ensuite, on va se rendre compte que tout n’est pas vraiment comme on le pensait…

Si la couverture et les dessins semblent être à destination de la littérature jeunesse, j’ai trouvé que la violence était très présente dans ces deux tomes, ce qui ne les destine pas à des enfants trop jeunes.

Les dessins possèdent des couleurs chaudes et ils sont reconnaissables si on a déjà lu des séries du dessinateur Xavier Fourquemin. Rien ne change et les visages de ces deux albums ressemblent à ceux croisés dans d’autres.

Si l’histoire commence doucement et gentiment (hormis le pendu qui a mal choisi son camp durant la guerre), tout va changer ensuite et c’est ensuite que l’on comprendra qui est Molly West, notamment en suivant le road-trip de nos personnages.

Mélangeant habilement l’humour, les situations légères, les violences, les injustices et une société ultra machiste, le scénariste arrive à tenir ses lecteurs en haleine, à les faire sourire et ensuite frémir. Le côté historique est bien présent, même si tous les détails ne seront pas donnés, notamment sur les lois Jim Crow (wiki est là !).

Deux tomes qui ne manquent pas de rythme, d’explosivité, de mystère, de suspense et d’humour, le tout pour contrebalancer les violences de cet univers et de la bédé.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°022] et Le Mois Américain en solitaire – Septembre 2023 et le Challenge Amérique du Nord anglophone chez ENNA LIT, ENNA VIT!

La Petite Bédéthèque des savoirs – 11 – Le Féminisme – En sept slogans et citations : Thomas Mathieu et Anne-Charlotte Husson

Titre : La Petite Bédéthèque des savoirs – 11 – Le Féminisme – En sept slogans et citations

Scénariste : Anne-Charlotte Husson
Dessinateur : Thomas Mathieu

Édition : Le Lombard (07/10/2016)

Résumé :
Malgré des avancées significatives durant le 20e siècle, le combat féministe reste toujours d’actualité. D’Olympe de Gouges à Virginie Despentes en passant par Simone de Beauvoir ou Angela Davis, cette bande dessinée retrace, à travers des événements et des slogans marquants, les grandes étapes de ce mouvement et en explicite les concepts-clés, comme le genre, la domination masculine, le « slut-shaming » ou encore l’intersectionnalité.

Critique :
Qui a dit que les bandes dessinées étaient pour les enfants et qu’elles n’apprenaient rien aux lecteurs ? Pas moi, mais j’ai les noms des grincheux et grincheuses qui me regardent de travers parce que je lis des bédés, mangas et comics.

Cette petite bédé de vulgarisation s’attaque à un sujet énorme qu’est le féminisme. Après une intro de plusieurs pages sans dessins, on entre ensuite dans le vif du sujet avec les droits des femmes sous toutes ses coutures.

Il est impossible de parler de tout en 80 pages, mais l’essentiel est dit et il ne tient qu’à nous d’aller s’instruire plus en lisant d’autres ouvrages, dont une liste, non exhaustive, se trouve en fin d’ouvrage.

impossible de résumer cette bédé, mais elle m’a appris des choses, notamment qu’il existait plein de féminismes différents. On n’y pense pas toujours, mais de même que les revendications d’un ouvrier bossant dans la métallurgie ne seront pas celles d’un ouvrier bossant dans la maçonnerie, il y a plusieurs féminismes.

Ben oui, mes revendications en tant que femme Blanche hétéro ne seront pas les mêmes que celle d’une femme Noire, d’une musulmane, d’une lesbienne. Dans les revendications, les féministes oublient parfois les intersectionnalités où se retrouvent d’autres profils que les leurs.

Mais on ne parle pas que de féminisme… Les auteurs abordent aussi la sexualité et les violences conjugales. Ainsi que l’avortement et les viols.

Les slogans m’ont bien plu, car ils sont limpides : La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune / Le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours / Ne me libère pas, je m’en charge.

J’ai apprécié aussi apprendre que les femmes avaient plus de droits au Moyen-Âge qu’à la fin du dix-huitième siècle, en termes de propriété privée, mais aussi professionnel… Qui l’eut cru ? L’eusses-tu cru ? Moi, non…

Anybref, cette petite bédé est instructive, elle vous envoie au lit moins bête qu’avant et elle fait réfléchir. Mon petit cerveau a bien turbiné après cette lecture.

Mon bémol ? C’est trop court, même si je comprends qu’il est impossible de synthétiser toues les différentes formes du féminisme dans cette bédé de vulgarisation. Le sujet est trop vaste et l’Histoire aussi.

Une lecture intéressante, instructive, une mise en page intelligente, où il est impossible de se perdre ou de se noyer dans toutes les infos. On ingurgite beaucoup, mais ça passe tout seul.

Une bédé à découvrir !