Paris-Briançon : Philippe Besson

Titre : Paris-Briançon

Auteur : Philippe Besson
Édition : Julliard (06/01/2022) / Pocket (05/01/2023)

Résumé :
Le temps d’une nuit à bord d’un train-couchettes, une dizaine de passagers, qui n’auraient jamais dû se rencontrer, font connaissance, sans se douter que certains n’arriveront jamais à destination. Un roman aussi captivant qu’émouvant, qui dit l’importance de l’instant et la fragilité de nos vies.

Rien ne relie les passagers montés à bord du train de nuit no 5789. À la faveur d’un huis clos imposé, tandis qu’ils sillonnent des territoires endormis, ils sont une dizaine à nouer des liens, laissant l’intimité et la confiance naître, les mots s’échanger, et les secrets aussi.

Derrière les apparences se révèlent des êtres vulnérables, victimes de maux ordinaires ou de la violence de l’époque, des voyageurs tentant d’échapper à leur solitude, leur routine ou leurs mensonges. Ils l’ignorent encore, mais à l’aube, certains auront trouvé la mort.

Ce roman au suspense redoutable nous rappelle que nul ne maîtrise son destin. Par la délicatesse et la justesse de ses observations, Paris-Briançon célèbre le miracle des rencontres fortuites, et la grâce des instants suspendus, où toutes les vérités peuvent enfin se dire.

Critique :
Un train de nuit qui emporte ses voyageurs, un huis-clos où tout peut arriver et la promesse, dès les premières lignes, de savoir que certains vont mourir, puisque l’auteur annonce, sans gants, que tous les personnages n’arriveront pas vivant à destination..

Un train, des meurtres ? Hercule Poirot est monté dedans pour enquêter ? Il ne m’en fallait pas plus pour enfin ouvrir ce roman dont l’auteur m’avait mis l’eau à la bouche dans l’émission de La Grande Librairie.

Dès les premières pages, l’auteur nous présente sa palette de personnages : un médecin, un sportif, un couple de retraité, des jeunes, un VRP et une mère avec ses deux enfants. Un vrai huis-clos pour quelques heures, puisque tout le monde dort dans ce train de nuit, qui n’est pas l’Orient-Express…

Le roman est court, il se lit très vite, car on est happé par l’histoire, par celle des différents personnages, qui, bien que n’échappant pas aux clichés sociétaux (homosexualité, femme battue, cancer, jeunes fumeurs de pétards, syndicaliste, mélenchoniste, beauf), sont tout de même sympathiques et donnent envie d’être dans le train avec eux. Ah ben non, certains ne survivront pas… Mais qui ? Comment ? Pourquoi ?

Je ne divulguerai rien, afin de garder la virginité de l’intrigue, mais j’ai tout de même été un peu déçue de ce qui avait été annoncé. J’ai trouvé le procédé un peu limite… Non pas qu’il m’ait dérangé, mais bon, j’avais pensé autre chose et bien entendu, je me suis sentie un peu grugée en arrivant à la fin.

Malgré tout, j’ai apprécié cette lecture, notamment dans les portraits des personnages et des rencontres qui se sont formées dans ce train de nuit.

Il m’est déjà arrivée de voyager avec des connards à mes côtés, des rouspéteurs de tout, des empêcheurs de lire en toute tranquillité, mais là, je les ai tous apprécié et mon petit cœur s’est serré en pensant que certains n’arriveraient pas à destination, car je ne voulais pas qu’ils meurent. J’ai aimé leurs discussions, les rencontres, les amitiés qui s’étaient formées.

Un roman sur des vies ordinaires, qui se sont télescopées, par les hasards de la vie et qui se souviendront longtemps de ce voyage qui devait être agréable et qui s’est terminé d’une autre manière…

Sherlock, Lupin & moi – 16 – Le masque de l’assassin : Irene Adler

Titre : Sherlock, Lupin & moi – 16 – Le masque de l’assassin

Auteur : Irene Adler
Édition : Albin Michel Jeunesse (30/08/2023)
Édition Originale : Sherlock, Lupin & io : La maschera dell’assassino
Traduction : Béatrice Didiot

Résumé :
En vacances dans la station balnéaire de Torquay avec sa mère Irene, Arsène Lupin et leur valet Billy, Mila rencontre le riche Harold Grayling et sa fiancée, Lady Hagbury-Winch. Tous deux baignent dans l’insouciance, enchaînant fêtes et grands dîners.

Lorsque la jeune fille découvre le cadavre de l’un de leurs invités sur une plage, les accidents se multiplient, fragilisant l’image parfaite du couple.

Il faudra toute la perspicacité de Sherlock Holmes et l’obstination de Mila pour mettre au jour le plus diabolique des plans…

Critique :
Toujours intéressant d’aller en librairie pour acheter les cadeaux de Noël, cela permet de fouiner un peu et de tomber sur une sortie que j’avais loupée !

Je me le suis offerte par la même occasion et je n’ai pas attendu le 25 décembre pour le lire, puisque les romans de cette série sont toujours achetés et lus dans la foulée.

Seizième aventure de notre trio, déjà… Comme depuis quelques tomes, notre trio de jeunes enquêteurs sont plus âgés, ont des cheveux gris et c’est surtout Mila, la fille adoptive d’Irène Adler, qui enquête dans les nouveaux tomes.

Direction la station balnéaire de Torquay, en Angleterre, afin de bénéficier d’un peu de soleil, puisqu’à Londres, il pleut comme vache qui pisse. Sauf Holmes, qui n’a pas envie de partir et préfère (l’amour en mer ?) s’occuper de ses chères abeilles.

Ce seizième tome commence doucement, comme souvent, l’auteur (oui, c’est un homme) prenant le temps de planter ses décors et de faire évoluer ses personnages, notamment Mila, qui vient de recevoir un petit mot étrange qui lui parle de Godfrey Norton (celles et ceux qui ont lu le canon holmésien sauront qui il est).

Mystère, car Mila ne sait pas qui il est… Moi, je le sais, je lui dirais bien tout, mais j’ai le pressentiment que ce ne sera pas tout à fait comme dans le canon, puisque cette série de pastiches holmésiens s’en écarte, tout en restant respectueuse des personnages de Conan Doyle.

La galerie de personnages secondaires n’est pas oubliée, l’auteur a pris soin de leur donner du corps et j’ai adoré le personnage d’Agatha Miller, la fille de Clarisa, elle-même amie d’Irene, qui voulait les inviter dans sa villa à Torquay, avant d’avoir un empêchement de dernière minute (accident).

En découvrant ce personnage, ça n’avait pas fait tilt dans mon esprit et c’est après un indice gros comme une maison que j’ai compris qui était cette jeune mère. Excellent de l’avoir fait intervenir et de lui avoir fait croiser la route de Holmes.

Une fois de plus, il m’a été impossible de trouver l’identité du coupable ou ses motivations. Là, j’ai été une parfaite Watson qui a tout sous ses yeux et qui s’il voit, n’observe pas ! Mais bon, tout le monde n’a pas les capacités de déduction de Holmes.

Ce tome se lit d’une traite, facilement, mais il m’a laissé un petit goût de trop peu.

Non, je vous rassure tout de suite, il n’est pas mauvais ou ennuyeux, mais j’ai regretté que Holmes n’intervienne que si peu, arrivant fort tard dans l’enquête et qu’en quelques pages, il résolve tout, me donnant l’impression que ses amis sur place n’ont servi à rien, si ce n’est à être nos/ses yeux durant leurs investigations.

Un bon tome, mais j’en ai déjà eu des meilleurs dans cette chouette saga jeunesse. Mais au moins, l’auteur ne prend pas ses jeunes lecteurs pour des quiches et son écriture, bien que facile, s’adresse autant aux plus jeunes qu’aux adultes.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°087].

Montagnes, petit renne et embrouilles pour Noël : Séverine Balavoine

Titre : Montagnes, petit renne et embrouilles pour Noël

Auteur : Séverine Balavoine
Édition : MxM Bookmark Romance d’hiver (18/10/2023)

Résumé :
Un an après s’être rencontrés, Florian et Thibault filent toujours le parfait amour. Et pour fêter comme il se doit Noël, cette période si importante pour eux, direction le Puy-de-Dôme d’où Thibault est originaire.

Mais malgré les guirlandes et les flocons de neige, Florian n’arrive pas à oublier sa première rencontre avec les amis de son compagnon. Notamment Guillaume (et ses critiques incessantes).

C’est au milieu des montagnes, de la neige jusqu’aux genoux, que Florian devra affronter sa peur de ne pas être aimé. Heureusement, la famille et les amis du couple ne sont jamais loin, et surtout Gisèle. Alors prêt à savourer Noël ?

Critique :
Non, non, pas de panique, je n’ai pas viré d’orientation littéraire ! Rassurez-vous, je ne vais pas abandonner mes polars et romans noirs pour des lectures de romances de Noël gay.

J’en ai lues deux en décembre et c’est terminé ensuite. J’avais juste envie d’une petite pause au calme après un roman noir à l’humour sanglant.

Voilà une lecture doudou, tant il ne se passe pas grand-chose d’important ou de violent. Le couple Florian et Thibault s’est formé dans le tome précédent (Un nouveau voisin pour Noël), que je n’ai pas lu et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lu pour comprendre ce qu’il se passe dans le second tome.

Le scénario est basique, l’autrice a fait le minimum syndical, mais elle a chargé le côté festivité de Noël avec, comme d’habitude le cliché de celui qui n’aimait plus Noël et qui en redécouvre sa magie, décorant tout frénétiquement…

Franchement, c’est une lecture sans prise de tête, qu’il faut savourer comme un bon chocolat chaud, sans chercher à voir plus loin qu’une histoire d’amitié entre Thibault et ses potes et son histoire d’amour avec Florian.

Le seul point d’achoppement sera entre Florian, jeune homme intraverti, qui n’aime pas trop la foule, avoir trop de gens autour de lui, qui apprécie la solitude (je me suis retrouvée dans son personnage) et Guillaume, le meilleur pote de Thibault, qui n’arrête pas de lancer des piques à ce pauvre Florian qui encaisse sans broncher, ou si peu.

Piques à caractère homophobe ? Non, on se doute bien que le problème n’est pas là, puisqu’il n’a rien dit en apprenant que son meilleur ami était homo. Une des piques est méchante, très blessante, effectivement, mais est plus à ranger dans les conneries de gros beauf, dans ces clichés que l’on a souvent, vis-à-vis des couples homo : qui fait l’homme et qui fait la femme ?

La plupart des gens ont une image classique du couple : un homme, une femme (chabadabada) et on a tendance à reproduire ce schéma sur tous les couples, ce qui est une faute, puisque non, il n’y a pas un homme qui fait la femme et un autre le mec et pareil chez les couples lesbiens.

Mais si on ne nous l’explique pas, nous ne le savons pas ! D’ailleurs, cela ne fait pas si longtemps que je l’ai appris (pour ma défense, je ne me suis jamais permise d’insulter un couple homo, de le juger ou de lancer des commentaires gras et malavisés).

Bref, le Guillaume, en fait, n’est pas un homophobe de bas étage, c’est juste un crétin et je l’ai trouvé bien plus méchant lorsqu’il gâche la surprise de Florian en lui annonçant son cadeau. Là, c’est mesquin !

J’ai aimé les différents personnages, notamment la vieille dame qui accompagne notre couple, Gisèle, dite Gigi et qui n’a pas sa langue en poche. Les dialogues sont parsemé de touches d’humour et ça rend la lecture encore plus douce. De plus, le couple formé par Thibault et Florian est sain, sans un qui se prend pour le dominant.

Notre coupe a aussi cette chance que les parents de Florian sont ouverts d’esprit et n’aient pas chassé leur fils en apprenant son orientation sexuelle (j’en connais tellement qui se sont retrouvés à la porte de chez eux), les amis sont cools aussi et durant tout leur séjour, jamais ils ne devront faire face à des commentaires homophobes en faisant leurs courses ou en allant au resto. Société exemplaire et tolérante… La réalité n’est pas ainsi, hélas !

Anybref, c’est une lecture sans prise de tête, une vrai lecture tranquille, amusante, plaisante, le roman parfait pour lire sous un plaid, quand dehors il fait moche, parce qu’il nous entraîne dans l’Aveyron, sous la neige, peu de temps avant Noël, pour dix jours de vacances dans un beau gîte, en compagnie de personnages dont on aurait envie qu’ils fussent nos amis, tant ce sont de belles personnes, qui se respectent.

Maintenant, je vais reprendre une vie normale et continuer mes lectures de polars, thrillers, romans noirs, bref, des lectures plus trash, moins douces, notamment avec une dystopie qui pourrait ne pas être si fictionnelle que ça, dans les années à venir.

L’ingrédient secret pour un Noël parfait : Valentine Stergann

Titre : L’ingrédient secret pour un Noël parfait

Auteur : Valentine Stergann
Édition : MxM Bookmark (08/11/2023)

Résumé :
Peu importe si vous croyez ou non en la magie de Noël, parfois, elle s’impose à vous (entre deux couches de crème au beurre).

Depuis le décès de ses parents, Léon Chamberlain ne veut plus célébrer Noël. Entre son moral en berne, sa pâtisserie au bord de la faillite et son tempérament bougon, le trentenaire n’a plus le cœur à la fête.

C’est sans compter sur Tom, son jeune frère, qui aimerait à nouveau se laisser emporter par la magie, qui plus est quand son meilleur ami Roméo lui propose de passer Noël dans sa famille, avec Léon.

Roméo, célèbre influenceur TikTok aux millions d’abonnés, a décidé de jouer les Pères Noël pour les fêtes et de rendre ses proches heureux. Ses missions ? Sauver la pâtisserie Chamberlain, redonner le goût de Noël à Léon, et surtout… ne pas se laisser rattraper par le béguin qu’il avait pour lui il y a quelques années.

Les échanges entre le grognon Léon et le pétillant Roméo promettent d’être aussi savoureux… qu’un sablé à la cannelle.

Critique :
D’habitude, je ne lis jamais de roman sur Noël en décembre, me les réservant pour l’été, c’est plus marrant.

Je lis rarement des romances (ce n’est pas mon truc et c’est souvent guimauve) et encore moins de la littérature parlant d’homosexualité (non pas que je sois contre, c’est juste pas mon truc non plus).

Alors, qu’est-ce qui m’a pris d’aller lire une romance gay de Noël en décembre, alors que ce roman cumule tout ce qui n’est pas ma came et qu’en plus, à l’instar d’un téléfilm de Noël, je me doutais que tout serait téléphoné et guimauve à souhait ??

Ben tout simplement l’envie de sortir totalement de mes sentiers battus et de perpétuer, cette année encore, mon petit rituel de lire une romance gay de Noël durant la période des fêtes, où même les pubs puent la neige synthétique et les bons sentiments.

Mes lectures dans le même genre, en décembre 2020 et 2022 m’avaient plu, donc, j’ai récidivé. Voilà le pourquoi du comment… Rassurez-vous, ce ne sera pas une habitude.

Alors, qu’est-ce que j’ai pensé de cette lecture ?

Ma foi, ce roman n’échappe pas aux clichés habituels que l’on trouve durant cette période et dans les romances, qu’elles soient hétéro ou homo : un bougon qui déteste Noël, face à un jeune homme pétillant qui adore les fêtes, un qui tombera amoureux de l’autre sans que celui-ci s’en rende compte tout de suite, des hésitations, des je-te- tourne-autour, des papillons dans le ventre, de la guimauve sirupeuse, des étoiles dans les yeux, un soupçon de jalousie et un happy end totalement attendu et téléphoné.

On rajoute à la recette de cette bûche assez classique : un commerce qui bat de l’aile, quelques banquiers au cul (et pas pour vous masser les épaules), des hésitations, des c’est compliqué, des drames anciens, des deuils qui ne sont pas terminés et du mal-être et on mélange le tout dans un récipient avant de le passer au four et le tout est joué.

Oh, j’oubliais de rajouter aussi des mecs beaux, sexys, avec des beaux petits culs bien galbés dans le legging d’un elfe du père Noël. Oui, dans les romances, tout le monde est beau et on nous le répète souvent, des fois que nous n’aurions pas bien compris…

Oui, c’est bourré de clichés (et c’est toujours les mêmes qui reviennent), autant qu’une bûche de Noël est bourrée de gras, de sucre, de saccarose et de chocolat.

Oui, le scénario est ultra prévisible, hormis quelques détails, mais, tels les desserts de Noël, ça fait du bien au moral, met un peu de baume au cœur et on termine la lecture avec un sourire niais, avant de reprendre ses esprits et de reprendre un roman avec des meurtres. On ne me changera plus…

Malgré les clichés, j’ai apprécié les personnages (Léon le Grinch bougon, Tom son petit frère de 23 ans et Roméo, meilleur ami de Tom et Tiktokeur). Le temps que j’ai passé dans la pâtisserie de Léon était agréable et j’ai aimé l’entendre soupirer devant tous ces gens mordus de Noël, parce que dans le fond, il est tout comme moi, Noël le fait chier.

Ce roman m’a fait penser à celui que j’avais lu en décembre 2020 : Un chocolatier pour Noël (de Hope Tiefenbrunner) : presque le même univers, même scénario à quelques détails près, mêmes clichés, mêmes personnages avec celui qui ne croit plus à la magie de Noël et celui qui est à fond dedans.

Sauf que dans le chocolatier, il y avait une scène de sexe hot ! Ici, il n’y en a pas. La plume n’a pas détaillé la nuit de sexe.

Alors oui, cette lecture n’est pas indispensable, oui, elle réuni bon nombre de clichés, non, elle ne révolutionne rien, mais nom d’une pipe, elle met un peu de baume au coeur, ajoute un chouia de lumière à la noirceur ambiante et donne la pêche (ou la banane, à vous de choisir votre fruit).

C’est comme boire un bon chocolat chaud, ça réchauffe et met de bonne humeur.

 

Et c’est ainsi que nous vivrons : Douglas Kennedy

Titre : Et c’est ainsi que nous vivrons

Auteur : Douglas Kennedy
Édition : Belfond (01/06/2023)
Édition Originale : Fly Over (2022)
Traduction : Chloé Royer

Résumé :
Après le succès des « Hommes ont peur de la lumière », Douglas Kennedy poursuit son étude d’une Amérique plus divisée que jamais. Un roman glaçant de réalisme, le tableau effrayant de ce qui pourrait bien devenir les Etats-Désunis d’Amérique…

2045. Les États-Unis n’existent plus, une nouvelle guerre de Sécession en a redessiné les frontières.

Sur les côtes Est et Ouest, une république où la liberté de mœurs est totale mais où la surveillance est constante. Dans les États du Centre, une confédération où divorce, avortement et changement de sexe sont interdits et où les valeurs chrétiennes font loi.

Les deux blocs se font face, chacun redoutant une infiltration de l’autre camp.

C’est justement la mission qui attend Samantha Stengel. Agent des services secrets de la République, cette professionnelle reconnue, réputée pour son sang-froid, s’apprête à affronter l’épreuve de sa vie : passer de l’autre côté de la frontière, dans un des États confédérés les plus rigoristes, sur les traces d’une cible aussi dangereuse qu’imprévisible.

Dans ces États désormais Désunis, Samantha devra puiser au plus profond de ses forces pour échapper aux mouchards de son propre camp et se confronter aux attaques de l’ennemi.

Est-ce ainsi que nous vivrons ?

Critique :
Nous sommes en 2045. Imaginez les États-Unis fracturés en deux parties : dans l’une, vous avez une liberté de mœurs et de croyances totale, mais vous êtes surveillés tout le temps, notamment à l’aide d’une puce insérée dans votre cou.

Allons voir de l’autre côté ce qu’il s’y passe : pas de puce, moins de surveillance, mais l’horreur totale aussi puisque les valeurs chrétiennes font loi, vous ne pouvez pas changer de sexe, il vous faut faire des enfants, interdiction de divorcer ou d’avorter.

La guerre de sécession a eu de nouveau lieu et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a coupé le pays en deux parties où il ne fait pas si bon vivre que ça (ni du côté des conservateurs, ni du côté des progressistes). La ville de Minneapolis est coupée en deux, telle Berlin avant. C’est la Zone Neutre (ZN).

La Confédération Unie (CU) est théocratie, gouvernée par un un souverain considéré comme le représentant de Dieu et de l’autre côté, c’est la République Unie (RU), dirigée par un milliardaire de la high-tech, l’inventeur des puces et où la surveillance individuelle est poussée à son comble.

Le concept de départ était intéressant, c’était de la dystopie réaliste, vu que se faire avorter devient de plus en plus difficile, que les conservateurs religieux sont au pouvoir, qu’ils restreignent de plus en plus les libertés individuelles, qu’ils censurent des livres, les retirent des biblios et qu’ils ont eu un président totalement dingue, un gangster multimillionnaire, durant 4 ans.

Moi qui pensait trembler en lisant ce roman, c’est loupé ! Alors oui, certains faits décrits dans cette dystopie m’ont fait froid dans le dos, mais j’ai déjà eu plus de sueurs froides dans d’autres romans. Oui, je vais le dire, mais il m’a semblé un peu mou du genou.

Le personnage principal, qui est aussi la narratrice, est l’agent Samantha Stengel, qui travaille pour le Bureau, du côté des soi-disant progressistes, ceux qui vous limite la viande, l’alcool et contrôlent votre taux de cholestérol en permanence. Sa mission, qu’elle ne peut refuser, c’est d’aller dans le camp adverse (chez les cons servateurs) pour descendre une autre femme…

Le bémol ? L’auteur reste un peu trop en surface à mon goût. Il n’explore pas assez le côté psychologique de ses personnages et n’a pas réussi à me filer les chocottes avec, pourtant, des faits de sociétés qui se produisent déjà et qui risquent d’aller encore plus loin dans les restrictions faites aux femmes ou aux minorités, à la littérature, la culture, la diversité.

Comme dans son précédent roman « Les hommes ont peur de la lumière », il y a des passages géniaux, intéressants, intelligents, bien amenés, qui font effectivement froid dans le dos, mais à côté de ça, on a des grands moments de solitude, le récit étant parfois trop bavard ou pas assez…

Je me suis souvent perdue dans le récit, notamment dans l’endroit où l’agent Samantha Stengel se trouvait (en CU ou en RU) et l’intrigue m’a semblée un peu trop conventionnelle, gentillette, plate, avec des rebondissements téléphonés et un final qui m’a laissé un goût d’inachevé.

Je suis donc un peu déçue de l’intrigue proprement dite, de cette infiltration en CU (chez les rigoristes) pour une mission qui prendra du temps et qui rendra une partie de la lecture ennuyeuse. Vu le pitch de départ, il y avait moyen de faire mieux, de resserrer l’intrigue et de donner bien plus de sueurs froides aux lecteurs.

Alors non, cette lecture n’est pas mauvaise, loin de là, mais elle manquait de sel, d’épices, de terreur, parce que nom de Zeus, ce qui est décrit dans cette dystopie, c’est ce qui nous pend au bout du nez et ça a déjà commencé : pas de puces dans le cou, mais des smartphones, des PS, des GPS, des caméras partout, des badges dans le boulot, l’avortement qui redevient interdit, les censures, les droits qui régressent et toussa toussa.

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°084]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) #N°13.

Marshal Bass – 09 – Texas Ranger : Darko Macan et Igor Kordey

Titre : Marshal Bass – 09 – Texas Ranger

Scénariste : Darko Macan
Dessinateur : Igor Kordey

Édition : Delcourt Néopolis (24/05/2023)

Résumé :
Le Marshal, rejoint par sept Texas Rangers sans foi ni loi, traque une bande de Comanches.

Mais certains secrets, qu’il aimerait ne jamais découvrir, refont surface…

Critique :
Nous sommes en janvier 1878, Doc Moon est appelée dans la ferme des Abott pour « régler un petit souci »…

Plus à l’ouest, Bass passe les menottes à un vieux brigand qui a une descendance bien hargneuse et notre marshal préféré se fait rejoindre par des Texas Ranger qui traquent une bande de Comanches.

Le rapport entre les deux récits ? Comment vont-ils se télescoper et à quel moment ?

Je ne le sais pas, vu que c’est un diptyque et que la suite est pour le prochain épisode (album déjà paru, j’ai du retard dans ma lecture des Bass).

Voilà un étrange neuvième album de Marshal Bass et qui m’a laissé dubitative, tant je n’ai pas compris où les auteurs voulaient en venir. La compréhension se fera, je l’espère, lors de la lecture du tome 10…

Les ingrédients habituels sont bien présents : nous sommes dans un western noir, au sens figuré du terme. La violence est omniprésente et lorsqu’un malade met un peu trop de temps à partir, on appelle Doc Moon pour abréger ses souffrances. Que ce soit un vieux croulant ou un enfant en bas-âge parce que la mère ne sait plus le nourrir.

Il y a beaucoup de scènes de fusillades, dans ce neuvième tome et elles prennent le pas sur tout le reste. Les dessins sont toujours ultra détaillés et bien précis. Rien n’est oublié. C’est aussi ce que j’apprécie dans cette série, même si je ne suis pas fan des dessins. Comme quoi, tout est possible.

Un album étrange, qui pose les jalons pour la suite, que j’aimerais lire sans plus tarder… Peut-être que cet album se retrouvera dans mes petits souliers, le matin du 25 décembre… Si, si, j’ai été très sage !

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°083], Le Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur.  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024).

Malgré toute ma rage : Jérémy Fel

Titre : Malgré toute ma rage

Auteur : Jérémy Fel
Édition : Rivages (23/08/2023)

Résumé :
C’est enfin la liberté et l’insouciance pour Juliette, Chloé, Manon et Thaïs : les premières vacances entre amies, à l’autre bout du monde – l’Afrique du Sud.

Mais celles-ci vont être de courte durée : l’une d’entre elles est enlevée au bout de quelques jours et sauvagement assassinée.

Alors que l’enquête commence au Cap, les proches de la victime, évoluant dans le milieu feutré et trompeur de l’édition parisienne, tentent douloureusement de faire leur deuil.

Véritable déflagration familiale, la mort de la jeune fille encourage les protagonistes à se dévoiler peu à peu, et souvent pour le pire.

Tandis que ses personnages se débattent avec leurs pulsions, de lourds secrets en révélations inattendues, Jérémy Fel pousse ses lecteurs dans leurs retranchements et les invite à s’interroger sur l’origine du mal et ses effets sur l’âme humaine.

Critique :
L’introduction donne déjà le ton : une jeune fille se fait torturer et assassiner d’une manière abjecte, horrible… Esprits sensibles, il est encore temps de foutre le camp. L’auteur donne le ton.

Ce roman choral donnera la voix à plusieurs personnages de ce récit, que ce soit les jeunes filles parties en vacances au Cap, en Afrique du Sud, à un des inspecteur chargé de l’enquête, à leurs parents…

Ce qui donnera l’occasion aux lecteurs de se plonger dans la psychologie tourmentée des personnages et de les suivre dans leur cheminement de vie, nous faisant passer d’un inspecteur du Cap, alcoolique à un éditeur qui trompe sa femme à tous les coins de rue, puis de passer à son fils et ensuite aux jeunes filles parties en vacances au Cap.

Là où le bât a blessé, c’est avec le récit de Raphaël (quatre consonnes et trois voyelles), le père de la jeune fille assassinée. Jusque là, tout allait bien, mais ce chapitre, je l’ai trouvé laborieux. Le gâteau était déjà copieux, mais avec le Raphaël, l’auteur en a rajouté une couche…

Ce type, imbu de sa personne, ne pense qu’à ketter, niquer, baiser, fourrer, profiter des femmes (et de son statut d’éditeur). Mais comment un père, qui vient de perdre sa fille de manière si épouvantable, pense encore à reluquer les décolletés des femmes, à se faire chauffer par une mineure d’âge et à de nouveau baiser, niquer, fourrer, ketter ??

Alors que nous sommes dans un chapitre qui aurait pu être fort en émotions (des parents ont perdu leur fille), je me suis trouvée face à un chapitre dont j’avais envie de passer des pages, tant ce type était abject et me donnait envie de vomir.

Sucrant le sucre, l’auteur a encore rajouté des couches d’abject (alors qu’on était limite en overdose), avec des révélations à gerber et une scène qui, si elle passait bien dans G.O.T, frôle le trop c’est trop, dans ce roman.

Heureusement qu’ensuite, c’était la voix d’Arthur qui est venue et qui a fait baisser un peu la pression. Son chapitre aurait pu être un peu plus long, d’ailleurs. Avec lui, des émotions et de la bienveillance, ce qui fait du bien, après un Raphaël qui murmure des horreurs à notre oreille (et son paternel qui est tout pareil).

Lorsque viendra le tour des deux filles, on entrera à nouveau dans le glauque et l’abject et allez hop, l’auteur empilera des couches de plus au gâteau, le noyant sous les horreurs, à tel point que je me suis un peu détachée du récit. La surenchère, très peu pour moi.

Trop, c’était trop et là, j’ai eu l’impression qu’on en rajoutait tant qu’on pouvait, même si, d’un autre côté, ces couches de glaçages écœurant expliquaient comment nous en étions arrivé là et nous faisait comprendre le cheminement abominable d’un personnage, particulièrement cruel et insensible. Bah, toute sa famille est perverse, psychopathe, froide, cruelle…

Il n’y a pas eu de surprises de mon côté, j’avais déjà compris, au Cap, ce qui s’était passé, mais je n’aurais jamais imaginé qu’une couche de crasse aussi épaisse se cachait sous les tapis… Esprits sensibles, tenez-vous éloignés de ce roman.

L’autre bémol, c’est qu’il n’y a pas de dialogues ! Les différents récits sont fait par les personnages, comme s’ils nous les racontaient tels quels, un peu brut de décoffrage et cette absence de dialogues était pesante. Le style d’écriture est assez plat, même lorsqu’il décrit des événements assez crus.

Malgré tout, cela reste un thriller qui fait le job, si on n’est pas réfractaire à l’excès de violences et d’horreur humaine.

Peut-être que si l’auteur en avait fait moins, en évitant la surenchère, cela aurait donné un roman plus percutant, plus sombre, au lieu d’un roman où on a empilé toutes les tares humaines possibles et imaginables.

Pas une mauvaise lecture, mais pas une qui entrera dans mes coups de cœur de l’année… Un thriller violent pour celles et ceux qui ont envie de descendre dans les tréfonds de l’âme humaine.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°063].

La traversée : Patrick de Saint-Exupéry

Titre : La traversée

Auteur : Patrick de Saint-Exupéry
Édition : Les Arènes (04/03/2021)

Résumé :
La traversée : un périple à travers l’immense forêt congolaise, de Kigali au Rwanda à Kinshasa en République démocratique du Congo.

Un invraisemblable voyage, en moto, en camion, en barge, malgré les trafiquants, la fièvre Ébola, les groupes armés. Une traversée dans une nature dantesque où les hommes et les femmes vivent coupés du monde.

L’enjeu ? Vérifier les accusations des autorités françaises, répétées inlassablement depuis plus de vingt ans : un génocide se serait déroulé au cœur de la forêt équatoriale congolaise, des centaines de milliers d’hommes et de femmes auraient été massacrés dans l’indifférence.

Au fil des étapes, émouvantes, savoureuses ou romanesques, les témoins parlent. La vérité émerge, et avec elle le rôle de la France au Rwanda puis au Congo.

Un engrenage qui a conduit Paris à s’enfoncer toujours plus avant dans la compromission. Un reportage fascinant. Une odyssée au cœur de l’Afrique.

Critique :
Cela aurait pu être un livre sur la difficulté de voyager au Congo, un reportage sur leurs différents moyens de transports, sur les pistes impraticables, le chemin de fer à voie unique et les retards incessants…

Cela aurait pu être aussi un roman sur l’état de la République démocratique du Congo.

En fait, ce livre, c’est tout ça, mais plus encore, puisque c’est aussi une enquête journalistique sur un fait de vérifier les accusations que les autorités françaises, ont répétées inlassablement depuis plus de vingt ans : un génocide se serait déroulé au cœur de la forêt équatoriale congolaise, des centaines de milliers d’hommes et de femmes auraient été massacrés dans l’indifférence.

Mitterrand, à l’époque, a fait du négationnisme, disant que les victimes étaient peut-être coupables et que les coupables étaient les victimes. Bref, du déni à tous les étages, sans compter que les Hutus, instigateurs du génocide, ont eu aussi brouillé les cartes, signifiant qu’ils tuaient pour ne pas être tués.

Le problème au Rwanda remonte à loin, à ce moment précis où les Allemands puis les Belges ont exacerbé la différence entre Tutsi et Hutu, permettant de diviser pour mieux régner. En donnant du pouvoir à la « minorité » tutsi, les colons belges s’assuraient des fidélités.

La France, sans qu’il existe aucun accord de défense entre elle et le Rwanda, va s’engager aux côtés de Kigali en déployant la panoplie de ses moyens : politiques, financiers, militaires, diplomatiques. C’est la France qui a fourni des troupes, des armes, des instructeurs, des conseillers et des spécialistes à son allié. Nous avons le nom des coupables de ce génocide : la France, la Belgique et l’Allemagne ne sont pas innocentes.

Mais quand les ordonnateurs du génocide ont fui au Congo, ce sera sous protection de l’Élysée, qui stoppera net toute velléité d’arrestation des tueurs et organisera leur exfiltration.

La question à laquelle va tenter de répondre l’auteur, c’est : y a-t-il eu un génocide se serait déroulé au cœur de la forêt équatoriale congolaise, des centaines de milliers d’hommes et de femmes auraient été massacrés dans l’indifférence ? Et ce ne sera pas facile de prouver que non, car le voyage sera des plus épiques et difficile.

Dans une note à l’attention de la presse, diffusée quatre mois après le génocide, l’Élysée expliqua sa position : « Il n’y avait donc pas les bons et les méchants, les massacreurs et les libérateurs, cette vision manichéenne au nom de laquelle on a indignement caricaturé l’action de la France1. » Ni victimes ni coupables donc. Ou tous victimes et tous coupables. C’était au choix. Le président François Mitterrand confirma peu après la doctrine officielle au sommet France-Afrique de Biarritz2. Oui, il venait de se produire au Rwanda « un génocide », concéda-t-il. Mais lequel : « Celui des Hutu contre les Tutsi ? Ou celui des Tutsi contre les Hutu ? […] Le génocide s’est-il arrêté après la victoire des Tutsi ? Je m’interroge… »

Quelques années plus tard, des informations contradictoires arrivèrent selon lesquelles un deuxième génocide aurait eu lieu, cette fois-ci contre les réfugiés hutu au Congo, l’immense voisin du petit Rwanda. Pour les promoteurs de l’action de la France au Rwanda, il n’y eut pas de doute possible. C’était la preuve – a posteriori – qu’il n’y avait eu en 1994 ni victimes ni coupables, ou que des victimes et des coupables. C’est selon. C’est ainsi que persiste le déni, vingt-cinq ans après.

Avant le génocide, les extrémistes hutu avaient annoncé leur projet d’extermination des Tutsi en le justifiant au nom d’une menace qui pèserait sur la communauté hutu. Pendant le génocide, alors que le crime s’accomplissait, ces mêmes extrémistes ont renforcé la boucle qu’ils avaient mise en place : nous tuons, disaient-ils, pour ne pas être tués par les Tutsi, dont nous pensons qu’ils veulent nous tuer. Après le génocide, les extrémistes défaits et réfugiés au Congo réfutèrent le crime qu’ils avaient commis : il ne s’est pas produit ce que vous croyez, il y eut bien un génocide mais c’était le nôtre, celui des Hutu, nous sommes les seules victimes, les vraies.

Quinze mois après leur fuite hors du Rwanda, les artisans du génocide furent attaqués dans leurs places fortes congolaises. Voilà la preuve, crièrent-ils en s’enfuyant. Le deuxième génocide, celui que nous vous annoncions depuis le premier jour, est arrivé. Enfin. L’effet Larsen, intense, brouille l’entendement.

Invité d’honneur à un colloque organisé en 2020 au Sénat, Hubert Védrine a – de nouveau et sans hésitation – réitéré sa caution à la fine fleur de ceux qui s’efforcent de transformer les victimes en assassins et les assassins en victimes.

Un roman historique qui se lit lentement, à son aise, afin de tout bien assimiler et qui donne tout de même des sueurs froides devant ce négationnisme des politiciens de nos pays dits civilisés.

Une enquête qui ne fut pas facile pour le journaliste, tant on lui a mis des bâtons dans les roues et que voyager au Congo est une sinécure. Mais le voyage en valait la peine, ne fut-ce que pour y apprendre la vérité.

Une lecture intéressante. Glaçante, aussi.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°058].

Le dernier étage du monde : Bruno Markov

Titre : Le dernier étage du monde

Auteur : Bruno Markov
Édition : Anne Carrière (25/08/2023)

Résumé :
L’art de la guerre consiste à soumettre son adversaire sans le combattre. C’est ainsi que le père de Victor Laplace s’est fait détruire. C’est ainsi que le jeune Victor espère venger sa mémoire, en s’infiltrant au cœur même du système qui l’a brisé.

Sa stratégie est claire : se faire embaucher dans le prestigieux cabinet de conseil que dirige son ennemi, l’approcher pas à pas, l’écouter patiemment dévoiler la recette de ses triomphes, l’accompagner dans son ascension en attendant l’ouverture, la brèche où il pourra s’engouffrer.

Une partie d’échecs pour laquelle l’apprenti possède une arme décisive : sa maîtrise des algorithmes et de l’intelligence artificielle.

Car à l’heure où le succès ne répond plus au mérite ou à l’intelligence, mais à d’autres règles sociales qu’on peut traduire en équations, celui qui sait les déchiffrer peut à tout moment renverser le jeu en sa faveur.

Mais à quoi devra renoncer Victor Laplace pour parvenir au dernier étage du monde ?

Dans une variation sur le thème des Illusions perdues, teintée d’un esthétisme à la Tom Wolfe, Bruno Markov réinvente le mythe de la réussite individuelle à l’heure des nouvelles technologies.

Critique :
La vengeance est un plat qui se mange froid et Victor Laplace a pris son temps pour y arriver. Tel un Comte de Monte-Cristo, il a aussi mis les moyens pour y arriver.

Il aurait pu attendre sa cible dans une ruelle, le tabasser, le flinguer… C’est plus rapide, mais est-ce que ça aurait fait un pitch intéressant pour un roman ? Peut-être pas…

Là, ce sera plus long, plus complexe, plus tortueux et avec le risque de perdre son identité véritable, à force de porter les costumes d’un personnage que l’on n’est pas.

Sans oublier qu’à force de regarder dans l’abîme, l’abîme regarde aussi en nous… Victor Laplace, à force de jouer le game et de pousser ses algorithmes toujours plus fort, risque de se comporter comme les autres, ces puissants qui nous gouvernent au travers des banques, des sociétés de consultant et de l’internet.

Mon plus gros bémol sera pour les quelques longueurs dans le texte. Le roman fait 446 pages et si certains passages m’ont captivés, d’autres m’ont fait bailler d’ennui. Trop de blablas, trop d’introspections, trop de détails sur de l’insignifiant, comme les actes accomplis par Victor au lever.

Certes, ils avaient pour but de nous montrer la vacuité de ces gens qui suivent des programmes de remise en forme, de régimes spécifiques fait à base de protéines, mais ils étaient surtout trop verbeux et j’ai décroché plusieurs fois.

L’autre bémol sera pour le final qui prendra trop de temps, faisant ralentir le rythme à un point tel que je me suis crue enlisée dans la mélasse. Bon, à un moment donné, il faut conclure et ne pas faire durer les choses…

Par contre, les points positifs de ce roman qui parle de vengeance, de sociétés, d’informatique, c’est qu’il est accessible à tout le monde et qu’il vous glace les sangs, lorsque l’on voit comment on se fait manipuler, diriger et sucer toutes nos données.

Le téléphone portable et l’internet ont changé la donne, mais le jour où l’on a mis l’internet sur des smartphones, là, on peut se dire, que l’on s’est fait avoir comme des bleus. Depuis, tout le monde poste tout et n’importe quoi et les sociétés qui se nourrissent de nos données, se les revendant toutes et les utilisant pour mieux cibler qui ils veulent.

Dites-vous bien que grâce aux algorithmes, certains en savent plus sur chacun nous que nos parents, nos enfants, nos amis, nos collègues, nos psys, nos confesseurs,… Pire, ils en savent plus que la CIA, plus qu’un bourreau qui nous aurait torturé et plus que nous, sur nous-même. Même si vous n’êtes pas assidus aux écrans et réseaux sociaux, ces algorithmes sont capables de dresser un portrait de vous des plus fidèle. C’est glaçant.

Ce roman qui parle de vengeance, de déshumanisation, de licenciement, de toujours plus de contrôle sur les humains, au travers d’outils censés les aider, de manipulations, d’Internet, me laisse un peu le cul entre deux chaises et prouve, une fois de plus, qu’on peut ne pas avoir tout aimé d’un roman, mais en ressortir tout de même ébranlée, glacée, mal à l’aise.

Si je devais faire la balance de cette lecture, je dirais qu’elle a manqué d’équilibre et a joué à l’ascenseur émotionnel, me faisant passer d’un ennui profond à certains passages, puis monter dans les hauteurs, augmentant mon rythme cardiaque et me glaçant les sangs.

Une lecture que je ne regrette pas d’avoir faite, je me suis couchée moins bête et plus méfiante encore de ces putains d’algorithmes, même si je ne suis pas une grande utilisatrice des réseaux sociaux.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°054].

‭Les Folles enquêtes de Magritte et Georgette – 06 – Charleroi du crime : Nadine Monfils [LC avec Bianca]

Titre : Les Folles enquêtes de Magritte et Georgette – 06 – Charleroi du crime

Auteur : Nadine Monfils
Édition : Robert Laffont – La bête noire (31/08/2023)

Résumé :
À Charleroi, la mort frappe toujours deux fois.

Georgette, l’épouse de René Magritte, est une gourmande ! Elle adore « les merveilleux », ces gâteaux à la meringue, spécialité belge. Elle va souvent chez le pâtisser et fait la connaissance de sa compagne. Mais un jour, la pauvre pâtissière se fait renverser par une voiture qui prend la fuite.

Quelques mois plus tard, son mari se balade aux Puces de Bruxelles, et trouve une caisse remplie de vieilles photos ainsi qu’un article de journal jauni dans lequel il découvre que sa dulcinée est morte à Charleroi dans un incendie alors qu’elle était adolescente…

Une femme qui meurt deux fois ! Voilà un mystère à résoudre qui ne peut qu’enchanter le couple Magritte.

Critique :
♫ Dans la ville d’Charleroi  ♪ Y’a les travaux qu’avancent pas ♪ Y’a les TEC en grève ♪ Le long des terrils morts ♪ (*)

Désolée pour les habitants du Pays Noir, du borinage, ce n’est pas pour les descendre ou les mépriser du haut de la capitale, loin de là.

Charleroi a mauvaise presse, la faute sans doute à ses politiques (tous des socialistes) et à son passé de ville minière. On croit que tout y est noir. Les préjugés ont la peau dure, à tort et à raison.

J’étais contente que ce 6ème opus des enquêtes de Magritte et de son épouse Georgette se déroule au pays noir, dans cette ville que je connais mal et qui, je l’avoue, ne m’attire pas, niveau tourisme ( il y a des quartiers de la capitale dans lesquels je n’ai pas envie de mettre les pieds non plus).

Un des avantages de cette série de cosy-mystery, c’est qu’ils me permettent de voyager dans mon propre pays, de le découvrir d’une autre manière, puisque, en ce temps-là, pas de travaux qui durent, qui durent et pas de TEC (transports en commun) en grève (oui, les blagues sur les TEC en grève sont légions chez nous).

C’est un autre Charleroi que j’allais découvrir, grâce à Magritte, tout en apprenant des anecdotes sur ce peintre célèbre, croiser d’autres personnages célèbres et écouter zwanzer à la bruxelloise ou causer en patois, puisque Charleroi est une ville Wallonne et que, si je ne comprends pas ce wallon-là, certains mots allaient tout de même chanter dans ma tête. Et ce fut le cas.

Comme toujours, l’enquête prend son temps, Magritte, sa femme et leur chienne fouinent partout, aidé par leur ami policier, Jefke de Bruxelles. Comme souvent, c’est grâce à Loulou la chienne que l’enquête prendra un nouveau tournant et un coup d’accélérateur.

Non, Magritte et Georgette ne sont pas des Sherlock Holmes ou des Hercule Poirot, il enquêtent à leur niveau, mettent leur nez partout, nous offre une petite dose d’humour, bienvenue par les temps qui courent (c’est moi où ça devient de pire en pire ?) et une résolution d’énigme qui tient la route, sans pour autant être recherchée (Agatha Christie est indétrônable).

Mais je m’en fous, je ne lis pas leurs enquêtes pour découvrir une enquête de malade, mais pour passer un bon moment de lecture avec deux personnages hauts en couleur, tout comme les personnages secondaires, dont Carmen, la reine de la loque à reloqueter.

On ne se prend pas la tête et on met les pieds dans un autre univers, celui d’une Belgique qui n’existe plus, puisque nous sommes dans les années 50. Une époque où Bruxelles brusselait… Déjà à l’époque, Jefke le policier se lamentait que les vieux Bruxellois au langage si particulier, disparaissaient, ainsi que tous les petits commerces, et autre caberdouches (cafés).

Une enquête au pays noir qui met de la joie au cœur. Autrement dit, une LC réussie, une fois de plus, avec ce duo que Bianca et moi apprécions grandement. Son avis ne dira pas le contraire.

(*) Sur l’air de « Dans le port d’Amsterdam » de Jacques Brel (qu’il me pardonne).

Petite anecdote : si un jour, vous devez prendre l’avion et qu’il est indiqué « Bruxelles Sud/ Brussels South » (pour décoller ou y atterrir), n’allez pas, comme des connaissances à moi (et bien d’autres aussi), à l’aéroport de Zaventem qui se trouve dans la périphérie de Bruxelles ! Grosse erreur ! Fatale erreur !

L’aéroport de Brussels South est en fait celui de… Charleroi (oui, oui, ce n’est pas une couille) ! Pourquoi cette dénomination erronée ? D’après un de nos humoristes, c’est dû au fait que quand les passagers entendaient « Charleroi », ils refusaient de descendre de l’avion (François Pirette, tu me fais toujours bien rire). L’humoriste étant originaire du borinage, il sait de quoi il parle. En vrai, c’est pour le rendre plus visible et plus attractif…

Anybref, tout ça pour vous dire que c’est un bel exemple de surréalisme à la Belge, que n’aurait pas renié Magritte. Et à mon avis, cela l’aurait fait bien rire.

EDIT : la preuve que je ne disais pas des carabistouilles avec les TEC en grève de Charleroi : ce jeudi 12 octobre 2023, il y a eu un « Mouvement d’humeur spontané » aux TEC Charleroi (autrement dit, une grève surprise, sans préavis de grève, sans les syndicats). Cette action était motivée par “un ras-le-bol” des chauffeurs…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°053].