La République du Crâne : Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat

Titre : La République du Crâne

Scénariste : Vincent Brugeas
Dessinateur : Ronan Toulhoat

Édition : Dargaud (25/02/2022)

Résumé :
Les Bahamas, 1718. De haute lutte, le capitaine pirate Sylla, secondé par son quartier-maître Olivier de Vannes et ses hommes, prend possession d’un vaisseau anglais.

Contre toute attente, au lieu de massacrer les membres de l’équipage, les pirates leur proposent de se joindre à eux.

Et ce, au nom des principes qui sont les leurs : liberté, démocratie et fraternité. Olivier de Vannes, devenu capitaine du nouveau bateau capturé, croise une frégate battant pavillon portugais.

Critique :
Voilà un album qui sentait bon la piraterie, les abordages, les drapeaux noirs ! En effet, il y a bien tout ça, mais pas que !

Les auteurs ne se sont pas contentés de nous offrir des récits d’aventures de pirates lançant les grappins sur des navires, ou faisant naufrage, comme les pirates malchanceux dans Astérix…

Déjà, avant le récit proprement dit, les auteurs se fendent d’une belle explication historique sur les pirates : ils n’étaient que des hommes qui voulaient vivre libres.

Bon, ils volaient les marchandises et attaquaient les navires, mais à l’époque, pas de chômage pour les aider à vivre libre… Ils défendaient aussi la démocratie, l’égalité des droits, des codes, des règles, bref, nous sommes loin des portraits que nous avons déjà vu des pirates vilains et méchants. On souscrit ou pas à ces portraits…

Les dessins, tout d’abord, sont magnifiques ! Moi qui aime les bateaux à voiles, j’ai été servie et mes yeux n’en pouvaient plus de tant de majesté dans certains vaisseaux.

Les personnages principaux sont des pirates et une femme, à la tête d’un groupe d’esclaves, sur un négrier. Pas de manichéisme dans les portraits, l’équilibre était bien trouvé. Le capitaine, Sylla, est blond, beau, glabre et à un petit air de Jean Marais…

Le scénario est comme la mer : profond ! Comme je le signalais plus haut, les auteurs ne se sont pas contentés de nous proposer moult abordages ou enterrement de trésor (ou découverte de trésor), jusqu’au mal de mer, mais sont allés plus loin. Ça sentait bon la liberté, l’égalité et la fraternité ! Qui a dit « utopie » ?

Non, je ne dirai rien de plus, lisez-le et vous saurez, nom d’une jambe de bois et d’un capitaine Crochet !

L’avantage de cet album, c’est qu’avec plus de 200 pages, le scénariste peut aller dans les détails, développer son récit, sans crainte d’arriver au bout de son album sans avoir le temps de conclure.

Ici, il prend son temps, nous faisant naviguer en eaux troubles, dans des fonds houleux, avant que l’on se pose un peu, pour repartir de plus belle ensuite. Autrement dit, le récit ne nous emportera pas là où on le pensait. Suffit de se laisser guider par les vents et de profiter de ce gros album qui sent bon les embruns.

Une belle découverte, que je voulais faire depuis longtemps.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°82].

Captain America : Steve Rogers – T01 – Heil Hydra ! : Nick Spencer, Miguel Sepúlveda, Javier Piña et Jesús Saiz

Titre : Captain America : Steve Rogers – T01 – Heil Hydra !

Scénariste : Nick Spencer
Dessinateurs : Miguel Sepúlveda, Javier Piña et Jesús Saiz

Édition : Panini Marvel Now! (2018)
Édition Originale : Captain America: Steve Rogers, book 1: Hail Hydra (2016)
Traduction : Jérémy Manesse

Résumé :
Steve Rogers, redevenu jeune, a repris le costume de Captain America. Mais derrière ce retour tant attendu, se dissimule un secret qui va secouer l’univers Marvel.

(Contient un prologue de 10 planches publié initialement dans Free Comic Book Day: Captain America (2016) et Captain America: Steve Rogers (2016) #1-6)

Critique :
Captain America, je ne le connais que par les films de la Marvel. Steve Rogers, pour moi, c’est le bô gosse (Chris Evans) avec qui j’irais bien m’encanailler !

Ne connaissant pas l’ordre de lecture de la saga des Captain America, j’ai sans doute commencé par là où il ne fallait pas…

Le scénario est assez riche, comportant des flash-back dans les années 20 sur la jeunesse de Steve Rogers.

Le dessinateur utilisera alors des tons bruns/gris pour nous plonger dans l’atmosphère des années 20, utilisant du rouge lorsqu’il y a danger.

Une partie des personnages de l’écurie Marvel sont présent aussi et j’y ai croisé Iron Man, Doctor Strange, Deadpol, Captain Marvel, Thor, un Spiderman gamin et bien d’autres.

Grâce aux flash-back sur la jeunesse de Steve, le récit n’est en rien linéaire, mais les auteurs se sont permis aussi de faire des bons dans le temps afin de nous montrer les évènements qui ont eu lieu auparavant et éclairer ainsi notre lanterne. Bon, il ne faut pas s’y perdre.

L’intrigue est assez bien fournie, les réparties fusent et notre Captain America n’est pas le Gentil tout bon, tout lisse que l’on pourrait penser. Les scénaristes sont allés plus loin avec lui et je gage que cela a dû faire grincer des dents.

En tout cas, c’est audacieux et cela change de la vision que nous avons de lui, bien que, même ainsi, en quelque sorte, il reste un patriote, vu les discours que certains tiennent dans ce récit. Vérités ou manipulations ? Ça semble tout beau à les entendre mais je reste méfiante des beaux discours.

Mélangeant habillement l’espionnage, le double jeu (ou le triple ?), le S.H.I.E.L.D qui veut prendre des mesures plus coercitives suite à la montée en puissance des suprématistes de l’Hydra, la démocratie qui pourrait être mise à mal puisque certains mesures de surveillance donneraient à penser que la NSA a pris des amphètes !

Un comics très dense, avec beaucoup de détails dans les dessins ou les dialogues. Anybref, pas un comics qu’on lit en vitesse ! J’ai pris le temps de le découvrir (vierge de l’univers, quasi) et j’ai l’intention de poursuivre ma découverte des aventures du Cap et de voir comment ça va tourner dans la suite !

Le Mois Espagnol chez Sharon – Mai 2021.

Trilogie de la crise – 03 – Pain, éducation, liberté : Pétros Márkaris

Titre : Trilogie de la crise – 03 – Pain, éducation, liberté

Auteur : Pétros Márkaris
Édition : Points Policier (26/03/2015)
Édition Originale : Psōmí, paideía, eleuthería (2012)
Traduction : Michel Volkovitch

Résumé :
2014. À Athènes, la survie quotidienne est de plus en plus difficile pour les citoyens appauvris et pour les immigrés harcelés.

C’est alors qu’un tueur en série jette son dévolu sur des personnalités d’envergure issues de la génération de Polytechnique qui, après s’être rebellées contre la junte militaire, ont eu une carrière fulgurante. Le criminel reprend le célèbre slogan des insurgés de l’époque pour formuler sa revendication : « Pain, éducation, liberté».

Qui se cache derrière ces meurtres ? Un membre de l’extrême droite ou un ancien gauchiste mû par le désir de vengeance ? Le commissaire Charitos, privé de son salaire depuis trois mois, tente avec sa ténacité habituelle de comprendre les mobiles du coupable.

Pain, éducation, liberté est le troisième volet de la trilogie de la crise grecque, après Liquidations à la grecque (prix Le Point du Polar européen 2013) et Le Justicier d’Athènes.

Critique :
Dernier volet de la Trilogie de la crise où l’auteur continue d’explorer son pays, la Grèce et à nous faire vivre sa crise financière de l’intérieur, avec un réalisme bluffant, en imaginant que la Grèce aurait abandonné l’euro pour revenir à la drachme.

Comme souvent dans les romans policiers, l’enquête n’est là que pour permettre d’investiguer dans le passé pour expliquer la catastrophe qui sévit au présent car tout est lié.

Pendant que le commissaire Kostas Charitos enquête sur les meurtres de trois crapules, l’auteur en profite pour fouiller les tiroirs de la Grèce et en sortir le linge sale qu’il va laver en public.

Des tiroirs bourré de naphtaline, il extirpe dehors de la misère, de la pauvreté, des destins brisés, mais aussi de la débrouille car lorsqu’on est pauvre, on devient plus intelligent et on essaie de trouver des solutions.

Comme on ne sait pas laver plus blanc que blanc, il faut aussi s’attendre à des magouilles, de l’opportunisme, des tortures, des révolutionnaires devenus comme les colonels qu’ils ont chassé, des vestes qui se retournent, de celles qui craquent de tous les côtés à force d’avoir été retournées… À la prochaine révolution, certains retourneront leurs pantalons…

Imaginant un retour du pays à l’ancienne monnaie (la drachme), l’auteur développe son univers avec réalisme, n’épargnant rien aux lecteurs et montrant que même diplômé, il est difficile de s’en sortir quand son pays est en crise.

Il ne se prive pas non plus de taper sur ceux qui se sont engraissés durant des années, sur le clientélisme, sur les faux handicapés qui touchaient des pensions et sur le fait que lorsque l’argent arrivait, tout le monde en profitait, même si certains se sont empiffrés plus que d’autres.

L’extrême droite dans le pays fait ce qu’elle fait de mieux : elle casse, elle brûle, elle frappe sur les immigrés, leur reprochant tout, oubliant qu’ils sont dans la même merde que tout le monde et que ces derniers voudraient quitter le navire puisqu’il n’y a plus rien comme travail. Hélas, partir coûte de l’argent, ils sont bloqué et doivent subir les attaques des décérébrés.

Ce que j’apprécie dans cette saga, c’est que les assassinés soient des salopards, des crapules, bref, des victimes que l’on n’a pas du tout envie de pleurer. Pire, on croise même les doigts que notre commissaire Kostas Charitos ne découvre jamais les coupables car ce sont bien souvent des assassins sympathiques

Oui, je devrais avoir honte de dire qu’on devrait décorer les assassins de cette trilogie, mais si j’ai honte, c’est juste un tout petit peu…

Un roman policier qui sert de support pour parler de la tragédie de la crise grecque, pour nous la montrer telle qu’elle était, telle qu’elle fut et combien certains en ont souffert. Les conneries, les exactions des uns provoquent toujours la chute des autres, mais l’auteur ne donne pas le beau rôle aux grecs et les mets aussi face à leurs fautes.

Anybref, un roman policier aux arômes de roman noir qui vole plus haut que le polar de gare et qui nous fait visiter une Grèce qui ne se trouvera jamais sur les cartes postales ou dans le guide du Routard. Mais ses personnages qui seront nos guides valent plus que tout les autres guides car ils sont devenus des amis.

Ce troisième tome aurait dû clôturer la trilogie de la crise, mais ouf, il y en a un quatrième à déguster.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°201] et Le Mois du Polar – Février 2021chez Sharon [Fiche N°27].

 

Les assassins de la route du Nord : Anila Wilms

Titre : Les assassins de la route du Nord

Auteur : Anila Wilms
Édition : Actes Sud Actes noirs (07/02/2018)
Édition Originale : Das albanische Öl oder Mord auf der Strasse des Nordens (2012)
Traducteur : Carole Fily

Résumé :
A la chute de l’Empire ottoman, au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’Albanie connaît, comme le reste du monde, de profonds changements. Les nouveaux dirigeants souhaitent moderniser le pays et imposer leurs lois sur l’ensemble du territoire, mais ils se heurtent à la résistance farouche des montagnards du Nord, qui continuent de vivre selon le Kanun, le code ancestral de ces régions reculées que l’on dit hantées depuis la nuit des temps.

Au printemps 1924, deux Américains y sont assassinés sur une petite route. Contraire au Kanun, qui place l’hospitalité au plus haut rang des vertus, le crime, qui a touché le fils d’un sénateur américain, plonge le petit Etat dans une crise diplomatique qui risque de dégénérer en guerre civile.

Mais que fabriquaient ces Américains sur la route du Nord ? Leur présence était-elle liée aux rumeurs selon lesquelles la région renfermerait d’abondantes ressources pétrolières ? Et qui a bien pu vouloir leur mort ?

L’effervescence s’empare de la capitale. On ne parle plus que de cela dans les cafés, les journalistes enquêtent, et bientôt les services secrets s’en mêlent…

Critique :
L’Albanie est un pays méconnu. Nous ne connaissons pas son histoire, sa culture. Rien. Nada. Que dalle. Que pouic.

Par contre, dans nos pays, circulent des tas de clichés sur ses ressortissants. À tort ou à raison puisque dans un peuple, il y a de tout : les bons comme les moins bons, comme les méchants, les dangereux.

Albanie, 1924… La Grande Guerre est terminée, je n’ai encore lu que quelques pages et déjà mon intérêt a été happé par ce que l’auteure nous raconte sur ce petit pays des Balkans.

Le meurtre des deux Américains, qui est un fait réel, va servie de base à l’auteure pour nous parler de l’Albanie, de ses habitants, de ses politiciens, de son pétrole et de ceux qui le convoitent.

Ces derniers temps, j’ai vraiment été mettre mon nez dans la pourriture des politiciens, des diplomates, des gros industriels… Bref, je n’étais pas au pays des Bisounours mais plutôt chez Magouilles & Cie.

Ne cherchez pas un enquêteur, pour ce crime, mais plutôt une chasse à l’homme, une erreur de justice puisque l’on pendra des innocents. Ne cherchez pas non plus du bon sens, il n’y en a pas, les gens parlent à tort et à travers au café du coin, parlent pour ne rien dire, inventent, essayent de se rendre intéressant.

On se croirait sur les réseaux sociaux, quand tout le monde trolle ou cause pour ne rien dire.

Passant d’un personnage à l’autre, afin de nous montrer les points de vue les plus larges et comprendre un peu mieux l’Historie de l’Albanie, l’auteure donne l’impression d’oublier nos deux tués sur la route du Nord, mais pas du tout ! Ils sont toujours là, leur ombre plane sur tout ce qui se déroule en Albanie à ce moment-là !

Ce roman policier est un mélange d’Histoire, de légendes, de culture de cette Albanie que l’on ne connait pas, que l’on connait mal.

Par exemple, le Kanun (les codes de lois édictés par les califes et sultans de l’ancien empire ottoman) ne régit  pas uniquement le code d’honneur et les vendettas, mais aussi les travaux publics et l’accueil de l’hôte.

Mêlant habillement la géopolitique, la diplomatie, explorant l’âme humaine et les jeux de vilains des politiciens, ce petit polar nous emmène dans une Albanie qui n’a rien à voir avec celle que l’on voit sur les affiches des agences de voyage.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°175 et le Mois du Polar chez Sharon (Février 2020) [Lecture N°20].

Il était une fois dans l’est : Árpád Soltész

Titre : Il était une fois dans l’est

Auteur : Árpád Soltész
Édition : Agullo (19/09/2019)
Édition Originale : Mäso – Vtedy Na Východe (2017)
Traducteur : Barbora Faure

Résumé :
Fin des années 1990, dans l’est sauvage de la Slovaquie. Veronika, 17 ans, est enlevée par deux hommes alors qu’elle fait du stop. Après l’avoir violée, les deux malfrats prévoient de la vendre à un bordel au Kosovo.

Mais lors du transfert, la jeune fille s’échappe, puis porte plainte auprès de la police locale.

C’est alors que les choses se compliquent : les kidnappeurs semblent bénéficier de protections haut placées, et l’enquête piétine…

Aidée de Pavol Schlesinger, le journaliste qui raconte son histoire, Veronika tente d’échapper aux trois plus grands groupes criminels de l’époque : la police, la justice et les services secrets.

Réfugiée dans un hôtel désert à la frontière ukrainienne, elle fait la connaissance du mystérieux Igor, qui l’initie à la fabrication des bombes. Car si elle ne peut obtenir justice, Veronika refuse de laisser impunis ses tortionnaires.

Et la vengeance est un plat qui se mange froid…

Critique :
L’auteur a trempé sa plume dans le vitriol car ce n’est pas le portrait idyllique et enchanteur qu’il nous livre de la Slovaquie, mais plutôt un portrait d’un pays gangrené par la corruption, les mafias, les passeurs…

Un pays qui a vu arriver le capitalisme comme une diarrhée fulgurante, un pays où tout pue encore l’ancien régime de l’URSS.

Anybref, si vous pensiez lire le guide du Routard pour trouver les endroits à visiter, passez votre chemin, fuyez pauvres fous ! C’est le genre de roman qui ne vous donnera pas envie d’y mettre les pieds.

Trafics de migrants, de femmes, prostitution, ces entreprises ne connaissent pas la crise. Tout se vend, tout s’achète, la vie humaine a un prix, les organes aussi et on en ressort avec une envie de vomir tant c’est abject. Le réalisme a un prix et la vérité n’est pas belle à voir. Ici, elle est sans maquillage.

Si l’Office du Tourisme slovaque ne dit pas merci à ce roman, les politiciens de là-bas lui garderont un chien de leur chienne.. Les flics aussi, sans aucun doute. Pareil pour les services secrets…

Quand à la Justice, ça fait belle lurette qu’elle est partie en vacances sans prévenir le personnel et elle n’est pas prête de revenir.

Cette pauvre Veronika n’a vraiment aucune chance que justice lui soit rendue après le viol ignoble dont elle fut la victime puisque le justice et la police sont tous les deux sous la coupe des services secrets et que ça repue l’ex-URSS à plein nez mâtinée de relents de la Russie.

Non, il n’est pas facile de vivre en Slovaquie, l’auteur en sait quelque chose et il ne nous parle pas de son pays en bien. J’ai déjà lu des romans noirs très noirs, mais ici, c’est plus noir que noir et cherchez pas la lueur d’espoir.

Pas de pathos, pourtant… Nous sommes dans des sujets affreux (viols, enlèvements de mineures,…) mais jamais l’auteur ne nous la joue « je fais pleurer dans les chaumières ». Le ton est froid, chirurgical, sans émotions à vous faire chialer. On aimera ou pas, il ne m’a pas rebuté.

La chose qui m’a le plus dérangé (au départ) et qui a fait que j’ai failli abandonner la lecture, c’est le côté kaléidoscopique du roman, pour ne pas dire foutraque, bordélique !

On a déjà une pléthore de personnages, désignés selon leurs rôles (le père, la victime, la journaliste, le boss, le nettoyeur, le procédurier,…) ce qui rend les choses assez compliquées à suivre, au début et on ajoute à cela un roman divisé entre passé et présent (Dans l’Est, à présent ; Dans l’Est, autrefois).

J’ai ramé au départ, j’ai failli abandonner, mais je me suis accrochée car je sentais que ce qui se trouvait dans les pages était du concentré de roman noir et je ne me suis pas trompée. C’est tellement concentré que l’on en ressort lessivé, anéanti, dégoutté du monde et le final ne nous laisse même entrevoir une lueur d’espoir.

Un roman noir très sombre, trop sombre, mais qui décrit avec réalisme un pays et une société gangrené par la corruptions à tous les étages et où les truands peuvent s’en sortir à coup de billets vert tandis que les flics ne peuvent pas vivre décemment sans tremper leur quignon de pain sec dans cette soupe de corruption.

Un roman très noir, une fiction débridée, le tout se déroulant dans un pays miné par les affaires, une corruption institutionnalisée et des détournements de fonds qui feraient passer certaines grandes affaires de nos pays pour des anecdotes marrantes.

Un roman qui met en scène un pays qui a dû faire face à l’effondrement du communisme (et l’éclatement de la  Tchécoslovaquie) et qui s’est retrouvé avec une espèce de démocratie à la mord-moi le nœud, avec un libéralisme débridé que les gens n’avaient pas connu, le tout dirigé par des élites sans foi ni loi, guidés uniquement par l’appât du gain et le profit facile.

Árpád Soltész a rassemblé dans son roman plusieurs faits divers sordides, les a mixé ensemble pour nous montrer l’envers du décor de la Slovaquie, nous permettant de regarder sous les jupes des institutions d’État telles la justice, la police et les services secrets, tous infiltrés par les gangs ou autres mafias. Croyez-moi, c’est pas beau à voir.

Un roman noir déjanté qui file la nausée tant tout est sombre, sans espoir (ou si peu), tant tout est corrompu et où ceux qui ne veulent pas manger de ce pain-là sont mis à l’écart sur une voie de garage.

PS : Journaliste d’investigation, Árpád Soltész, dirige une agence journalistique portant le nom d’un de ses confrères, abattu dans la périphérie de Bratislava après avoir enquêté sur des affaires de corruptions et de fraudes fiscales.

Une partie de cette histoire s’est vraiment produite, mais d’une autre manière. Les personnages sont fictifs. Si vous vous êtes tout de même reconnu dans l’un d’eux, soyez raisonnable et ne l’avouez pas. Les gens n’ont pas à savoir quel salopard vous êtes.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°135.

PAZ : Caryl Férey

Titre : PAZ

Auteur : Caryl Férey
Édition : Gallimard Série noire (03/10/2019)

Résumé :
Un vieux requin de la politique.
Un ancien officier des forces spéciales désormais chef de la police de Bogotá.
Un combattant des FARC qui a déposé les armes.
Un père, deux fils, une tragédie familiale sur fond de guérilla colombienne.

Critique :
Voyager avec Air Férey n’est pas sans risques…

Les parachutes ne sont pas compris dans le billet et durant tout le voyage mouvementé, on encaisse des G à hautes doses à tel point qu’on se demande si on reviendra vivant ou, au mieux, que l’on reviendra totalement disloqué

[Pour info, l’unité G (gravité), est une unité d’accélération correspondant approximativement à l’accélération de la pesanteur à la surface de la Terre].

Pourtant, j’y reviens toujours, à cet auteur…

Oh, je l’avais laissé un peu sur le côté ces derniers temps, mais pas parce que je n’aimais plus ses romans, juste parce que j’avais peur de repartir dans une spirale infernale et de m’en prendre, une fois de plus, plein la gueule, les tripes, le cœur, le plexus.

Généralement, après lecture d’un de ses romans, j’ai besoin de relire quelques « Martine » ou autre « Oui-Oui » pour remettre mon palpitant et mon cerveau à la normale.

Caryl Férey ne nous écrit pas un roman banal, il va au fond des choses, il est allé sur des terrains (et c’est risqué) où vous et moi n’irons jamais, il se documente et régurgite le tout dans des romans Noirs, profonds, qui ne vous laissent jamais indifférents et qui, surtout, instruisent sans vous donner l’impression que vous suivez un cours magistral sur l’Histoire du pays.

Et l’Histoire de la Colombie, ce n’est pas celle des Bisounours. Vous me direz que c’est pour tous les pays du Monde, mais j’ai comme l’impression que la Colombie a morflé plus que certains et qu’elle se situe dans le groupe de tête des pays aux Histoires les plus sanglantes.

Alors oui, c’est violent ! Autant le savoir avant de commencer qu’on ne va pas aller prendre le goûter chez Petzi. Le roman de Caryl est réaliste, donc, vous qui ouvrez ce roman, oubliez toute espérance.

Ici, on nous parle de meurtres sanglants, comme au temps de Violencia (période de guerre civile qui dura de 1948 à 19601 et provoqua la mort de 200.000 à 300.000 Colombiens, et la migration forcée, notamment vers les centres urbains, de plus de deux millions d’autres), des cartels de drogues, des FARC, de la corruption, de ce que les habitants ont endurés et endurent toujours.

La violence est-elle trop présente ? Je vous dirai que « oui mais non » car dans les notes de fin d’ouvrage, l’auteur nous avoue avoir édulcoré certaines choses et on ne pourrait pas écrire un roman réaliste sur la Colombie sans mettre en scène une partie de cette violence. Sauf si c’est le Guide du Routard que vous voulez lire.

Oui, j’en ai pris plein ma gueule, oui j’ai souffert avec ses habitants, avec les jeunes filles mineures et j’ai morflé avec les personnages qui ne sont jamais épargnés dans les romans de Férey.

Si la journaliste Diana, si Flora la formatrice auprès des ex-FARC et si Angel avaient toute ma sympathie, Lautaro le flic testostéroné n’avait reçu que mon mépris avant que l’auteur ne nous parle de la jeunesse de ce flic brutal et ne fasse pencher la balance vers l’empathie. C’est ça aussi le double effet Caryl Férey : arriver à te faire aimer un espèce de salopard froid et résolvant la violence par la violence.

Caryl Férey n’est pas un auteur qui écrit ses romans avec de l’encre ou avec un PC, non, il les écrit avec ses tripes, la plume trempée dans son sang, sa sueur et il te balance ça dans la gueule, sans précautions aucune, parce que tout compte fait, c’est une réalité que nous ne voulons pas voir…

Se plaçant du côté des opprimés, des laissés-pour-compte, des petites gens, des politiciens, l’auteur nous assène des Vérités dérangeantes comme autant de coups de poings sur un ring où les règles du marquis de Queensberry ne prévalent pas car on frappe sous la ceinture et en traître.

C’est violent, oui, c’est réaliste, c’est Noir, sombre, sans une once de lumière, ça pue la corruption à tous les étages, la poudre blanche, la coca, les armes à feu, la poudre, le sang, la sueur, les règlements de compte et les histoires de famille bien sordides.

J’aime bien quand Caryl Férey me tape dessus à coup de roman Noir…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°98.

Killarney 1976 : Joël Macron

Titre : Killarney 1976

Auteur : Joël Macron
Édition : AFNIL (20/07/2018)

Résumé :
Tu le sais, je dois repartir… mon pays est au bord de la révolution. Shariati a besoin de moi. Nos visiteurs ont certainement voulu nous avertir, nous mettre en garde contre la folie de notre civilisation…

Je ne sais quelles sont leurs intentions exactes, mais je pense qu’ils savent ce qu’ils font.

Tu es le dépositaire de tous ces secrets : je sais que cela t’a semblé impressionnant, et que tu te demandes toujours quoi faire de toutes ces informations : garde les précieusement, en toi.

Garde aussi ce cahier avec tes notes précieuses : il te servira un jour, dans très longtemps.Je devine ta question en écrivant : mais quand ?

Voici ma réponse, en persan :شما می توانید این جمله را ترجمه کنیدهنگامی که

Critique :
Il est dit qu’à cheval donné, tu ne regarderas pas les dents, mais bon sang, messieurs dames les éditeurs ou vous, auteurs auto-édités, si vous voulez que les lecteurs aient envie de lire vos livres, ne leur envoyez pas des formats PDF, par pitié !

Certes, je remercie les éditions AFNIL et NetGalley d’avoir donné de suite une réponse favorable à ma demande, mais si j’avais été plus attentive et vu que le format du livre était du PDF, j’aurais passé mon chemin car si transformer le PDF en Epub lui a donné une meilleure allure, c’était toujours une catastrophe niveau mise en page et horrible à lire.

Heureusement que j’ai un Superman dans mes contacts et qu’il m’a gentiment arrangé le brol afin que la mise en page soit digne de ce nom et que je puisse lire sans m’esquinter les yeux.

Heureusement d’ailleurs, parce que sans son travail de mise en page, je n’aurais pas dépassé la page 12 tant le début de l’histoire me semblait lourd, laborieux et insipide.

Cela aurait eut été une erreur de l’abandonner car après ce départ sous de mauvais auspices, le reste du récit s’est révélé bien plus intéressant et l’histoire d’amitié entre Joël, un jeune français faisant ses armes à Killarney, Irlande et Mano, un Iranien qui est un spécialiste de physique nucléaire, était instructive.

L’Iran et le nucléaire, une vieille histoire qui est toujours d’actualité et dont j’avais eu un petit aperçu dans « J’irai tuer pour vous »… L’Iran du Shah, que je n’ai pas connu, celle d’un certain Khomeiny, celle du conflit avec l’Irak, où j’étais trop jeune. Voilà de quoi réactiver un peu les souvenirs que j’ai de ces faits que je n’ai pas connu mais appris plus tard.

L’article revient sur les fastes du régime du Shah, notamment sur les fêtes de Persépolis, dont le spectacle grandiose avait été retransmis à la télévision en eurovision pour célébrer les 2500 ans de l’Empire Perse. Le coût de cette manifestation, alors qu’une bonne partie du peuple vivait dans des conditions matérielles difficiles, avait contribué à rendre le Shah impopulaire. Le journaliste s‘interroge sur les conséquences du déclin du régime, et sur la montée des groupes d’opposition au rang desquels figurent des religieux.

L’Iran, un pays qui fascine et que Mano va nous décrire avec peu de mots mais tellement d’émotions que bizarrement, on aurait envie d’aller arpenter ses montagnes. Dommage que ce pays si important, historiquement parlant, en soit réduit à ce qu’il est maintenant, quel qu’en ai été ses fossoyeurs.

Face à la majesté de l’Iran, nous avons celle de la verte Irlande, qui elle aussi s’est retrouvée tristement sous les feux des projecteurs et des balles, séparée en deux, déchirée.

L’auteur aurait pu placer son récit dans un pays paisible, mais il a eu raison de nous poser à Killarney et de nous rappeler quelques saloperies dont sont capables les êtres Humains, un certain dimanche matin de manifestation paisible.

— Tu vois, finalement, j’ai peur que mon pays ne plonge dans ce type de conflit… Je sens le radicalisme religieux prendre de l’ampleur, les laïcs sont trop souvent associés au régime corrompu dénoncé par les Ayatollahs. La religion n’est qu’un prétexte pour une lutte politique extrémiste. En Irlande du nord ce sont protestants contre catholiques, chez moi en Iran musulmans modérés ou laïques contre extrémistes. Et tout cela au nom de Dieu ou d’Allah… cela n’a pas de sens. Le non-sens l’emporte, la raison est balayée d’un revers de main : on préfère faire parler les armes et les canons.

Entre deux (ou plus) pintes au pub, nos deux amis vont faire connaissance et se lier d’amitié et c’est avec tristesse que j’ai vu arriver le mot « Fin » car ma foi, j’aurais encore bien fêté quelques Saint-Patrick avec eux et bu des hectolitres de Guiness dans le pub de Paddy, assise à leur table près du feu de tourbe.

Parlant de politique, de science et des phénomènes inexpliqués, nos deux amis auront des conversations intelligentes, des idées que je partage et que je fus contente de lire dans ses pages qui pourtant, partaient bien mal avec notre Joël, qui, 40 après, retrouvait ses vieux carnets de l’époque et remontait le fil du temps, tentant de retrouver ce que son ami lui avait confié.

On peut dire ce que l’on veut, on a quand même de la chance d’être dans un pays où l’on peut voter librement, et où on peut faire part de ses opinions sans craindre d’être emprisonné. Mais parfois on se comporte en enfants gâtés de la démocratie, et on se plaint de ne savoir quoi choisir. Il est vrai que s’il y avait un candidat unique, ce serait plus simple.

Je me demande ce que Mano dirait de tout cela, lui qui a connu le régime du Shah et le régime islamiste, sans doute me répondrait-il avec son sens de la dérision et son humour si bienveillant. C’est un fait, je ne l’ai jamais entendu critiquer ni le gouvernement du Shah, même s’il n’en partageait pas l’idéologie, ni les opposants religieux dont il savait qu’ils accéderaient au pouvoir : c’était un laïque, et surtout un homme de dialogue, ouvert d’esprit. Je ne devrais pas en parler au passé, d’ailleurs.

Un roman dont je n’attendais rien de bon au départ vu son format et qui, ensuite, m’a fait voyager dans deux pays magnifiques, me faisant réviser mon Histoire politique passée et présente, me parlant des énigmes que sont les phénomènes inexpliqués, tout en m’immergeant dans une belle amitié entre jeunes gens d’origines différentes.

J’en suis sortie un peu groggy, triste de quitter cette bande de joyeux amis et de reprendre le chemin vers mon pays, quittant la verte Erin où je ne serais pas contre l’idée d’aller me rincer le gosier avec Joël et Mano, sûr que la rencontre serait, une fois de plus, enrichissante.

Patiemment, posément, avec mille détails, il replaça l’action de de Gaulle sur le plan international et conclut en disant :
— Je comprends que vous le trouviez barbant et dépassé, mais pour comprendre l’action d’un homme, il faut en examiner toutes les facettes et connaître le sens de son action.
Nous fûmes bluffés encore une fois par sa culture, son sens de l’Histoire, et par son indulgence.

Je remercie encore une fois les éditions NetGalley et l’éditeur d’avoir fait suite à ma demande et je remercie encore plus mon Superman d’avoir joué les Damido & Co du PDF et de me l’avoir servi à bonne température avec ce qu’il fallait de mousse.

Mano a d’ailleurs eu cette phrase dune grande portée philosophique :
— Le problème avec la bière, c’est qu’il faut toujours pisser entre deux… en fait ta soirée se résume à ça : tu bois, tu pisses, et tu recommence.
Bien entendu, j’ai remercié Mano pour ce grand moment de poésie…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2018-2019).

Liquidations à la grecque [Trilogie de la crise 1] : Pétros Márkaris

Titre : Liquidations à la grecque [Trilogie de la crise 1]

Auteur : Pétros Márkaris
Édition : Points Policier (03/10/2013)
Édition Originale : Ληξιπρόθεσμα Δάνεια – Līxipróthesma dáneia (2010)
Traducteur : Michel Volkovitch

Résumé :
À Athènes, plusieurs membres de l’élite financière sont décapités. L’assassin couvre la ville de tracts exhortant les Grecs à ne pas payer leur dette aux banques.

Le pays s’enfonce dans la crise: les salaires fondent, les commerçants ruinés se défenestrent…

Le commissaire Charitos doit au plus vite confondre ce « Robin des banques » que la population exaspérée commence à prendre en sympathie.

« Nous sommes au bord de la folie. »

Critique :
Un ancien banquier très habile mais retraité, un certain Gigilamoroso, vient de se faire décapiter à l’épée, tel Anne Boleyn.

Pardon, c’est pas le bon nom… Comment tu dis ? Zizimenculos ? Non plus… Ces noms grecs, je ne m’y ferai jamais, moi…

Ah, voilà ! Zissimopoulos, Nikitas de son prénom. Et le premier qui me chante ♫ Nikitas Jolie fleur de Java ♪ s’en prendra une dans la figure ! Par contre, je n’ai rien contre Sir Elton John…

♫ Oh Nikita You will never know anything about my home ♪

Si je chante, c’est parce que j’ai le coeur léger ! Imaginez que dans ce polar grec, on décapite des banquiers… Pour une fois que les victimes ne me sont pas sympathiques mais le criminel oui… Des envies folles de l’embrasser, cet assassin même si ce n’est politiquement pas correct et que de toute façon, le mal est déjà fait, la crise est là.

Première incursion dans le petit monde de la police athénienne menée par le commissaire Kostas Charitos et pour une première, c’est plus que réussi.

Non seulement j’apprécie le commissaire (qui n’est pas un alcoolique bourré de blessures secrètes) mais aussi sa petite famille, dont son épouse Adriani, qui, malgré le fait qu’elle n’intervienne pas souvent, laisse un souvenir impérissable à la lectrice que je suis.

Si les membres de son équipe ont des noms assez difficiles à retenir pour la belge que je suis, leurs portraits sont esquissés en peu de mots, mais comme il y a des romans qui précèdent celui-ci, je suppose qu’ils sont plus détaillés dans ceux-là. Malgré tout, ils m’ont fait bonne impression, les inspecteurs Dermitestivale et… Pardon… Dermitzakis et Vlassopoulos (seuls les cavaliers comprendront mon jeu de mot).

Autre personnage dans cette enquête sur les banquiers qui perdent la tête, c’est la Grèce, ses embouteillages, sa chaleur, ses manifestations, sa grogne, ses emprunts et, personnage tout aussi important qui gravite dans ces pages, c’est cette bonne vieille crise financière de 2008 ! Oui, celle-là même qui a mis les banques à genoux (pas longtemps) et a vidé les poches de certains.

Intégrant à son enquête des explications sur certaines opérations banquières, l’auteur n’en fait pas trop et jamais cela ne devient indigeste, tout comme les revendications des grecs, leurs ras-le-bol, leurs râleries, le tout est incorporé au récit de manière naturelle et le lecteur se rend compte alors de ce que certains ont enduré puisque nous nous trouvons de l’autre côté du miroir.

Véritable coup de projecteur, la crise est mise en lumière par un grec, sans pour autant exonérer son pays et ses compatriotes de leurs fautes. Avec un certain cynisme et un cynisme certains, il n’a pas peur de mettre des nez dans leur caca.

Pour cette enquête, un personnage comme le commissaire Kostas Charitos était celui qui nous fallait : comme nous, il n’y connait pas grand-chose à cette crise financière et aux noms barbares de certains produits, tout comme les autres, il tire le diable par la queue, peste sur les supérieurs et leurs conneries, en a marre des magouilles politiciennes et voudrait faire son job de la meilleure manière qui soit.

— Écoute Kostas, il y a dans le pays deux sortes de fouteurs de merde : ceux qui cassent et ceux qui gouvernent. Toi le flic, avec lequel es-tu ?
— Avec ceux qui gouvernent dis-je à contrecœur.

Un roman noir éclairant la lanterne sur la crise financière, une enquête captivante, des assassinés peu sympathiques et une foultitude de personnages désabusés, bougons, fâchés, râleurs et qui paient les conneries de leurs gouvernements et les leurs aussi.

Un roman noir que j’ai eu du mal à lâcher et maintenant, je compte bien retrouver un autre jour le commissaire Kostas pour la suite de ses aventures, et le prologue aussi.

Un roman noir qui permet aussi à un Grec de dire par écrit ce que bien de ses concitoyens ont dit à voix haute ou à voix basse. Mais on n’écoute pas toujours les petites gens alors que ce sont eux les plus pénalisés.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2018-2019) et Le mois du Polar Chez Sharon (Février 2019).

Un voyou argentin : Ernesto Mallo [Perro Lascano 2]

Titre : Un voyou argentin [Perro Lascano 2]

Auteur : Ernesto Mallo
Édition : Payot et Rivages (14/03/2012)
Édition Originale : Delincuente Argentino
Traducteur : Olivier Hamilton

Résumé :
Perro Lascano n’est pas mort. Il se remet peu à peu de ses blessures. Il a perdu sa maison, son travail et surtout Eva. La guerre est déclarée entre les différents services de police qui tentent de prendre la main sur le trafic de drogue qui faisait la fortune des militaires.

Lascano est recruté comme enquêteur privé pour mettre la main sur « Topo » Miranda, truand de la vieille école suspecté d’avoir volé l’argent sale d’une banque. Fuyant les flics pourris de son pays, Perro Lascano retrouve sa vieille connaissance le major Giribaldi pour qui le vent a tourné.

Critique :
— Non, Perro Lacano n’est pas mort ! Tu as vu son hommage chez Jean-Pierre Foucault ? Non ? Alors Perro Lascano n’est pas mort ! (voix d’Alain Chabat imitant Jacques Martin).

Argentine, années 80, rien de brillant, la corruption règne en maître, les plupart des flics sont des ripoux de première classe, les banquiers sont des voleurs et les politiciens aussi, sans parler de l’armée, coupable de bien des disparitions et des morts.

Là où il y a Gégène, il y a du plaisir, vous dirons les tortionnaires.

Dans le précédent volume, j’avais laissé le commissaire intègre Perro Lascano, se vidant de son sang sur le trottoir et je le retrouve donc vivant, mais mal en point, soigné par une jolie infirmière non conventionnée, payée par le supérieur de Lascano.

Si j’ai toujours apprécié les descriptions au vitriol d’une Argentine qui tente de sortir de la dictature pour se diriger vers une démocratie, j’ai un peu perdu pied dans toutes les petites affaires qui émaillent ce roman que l’on pourrait dire choral.

Entre Topo Miranda, braqueur tout juste sorti de prison et tentant de se refaire une santé financière pendant que Perro Lascano, perdant son bienfaiteur, se voit menacer de mort et obliger de jouer sur du velours pour retrouver les braqueurs de la banque, aidé en cela par le procureur Pereyra qui lui aussi voudrait bien faire tomber Giribaldi, militaire responsable de la mort de l’usurier dans le premier tome…

Dans un moment, il retrouvera Pereyra et ira flanquer la trouille à l’homme qui a ordonné sa mort. Le redoutable Giribaldi, rien que lui, l’homme dont le nom est cité à plusieurs reprises dans les pages du « Nunca Más », célèbre pour avoir donné à ses victimes des leçons de morale à coups de décharges électriques avec un aiguillon qu’il gardait toujours en main. Il avait lui-même écrit dans sa salle de torture les mots suivants : Si vous savez chanter, faites-le, sinon, tenez bon. En sortant, Perro a une pensée pour toutes les personnes qui ont un jour fermé la porte de leur maison pour ne plus jamais revenir.

Je vous avoue que j’ai eu l’impression que tout cela était un peu confus, mélangé, brouillon. Il faudra assez bien de pages pour que tout cela présente une certaine cohérence.

La chose la plus pire, ce sont les dialogues. Je l’avais déjà souligné dans ma chronique de L’aiguille dans la botte de foin, les dialogues se présentent sous la forme de textes bruts, sans tirets cadratins, sans guillemets, le tout balancé en bloc (et en italique) et à vous de suivre pour savoir qui dit quoi.

Tu ne t’es jamais posé la question de savoir pourquoi la douleur existe ? Pour te pourrir la vie. Non, pour la conserver. Si la douleur n’existait pas, tu ne te rendrais pas compte, par exemple, que tu es blessé et tu te viderais de ton sang comme un bienheureux. C’est clair. La douleur, c’est le langage que ton corps utilise pour informer le cerveau que quelque chose va mal, où ça se situe ainsi que le degré de gravité. Je comprends, il pourrait utiliser un langage plus doux. 

Bon, après quelques dialogues de la sorte, on arrive à s’en sortir, on comprend qui parle, mais ça reste tout de même assez complexe. On aurait envie de dire que les tirets cadratins n’ont pas été inventé pour les chiens. Sachant que « Perro » veut dire chien en espagnol…

Dans ce roman noir, Perro est toujours commissaire, mais il n’exerce plus, trop de poulets veulent lui faire la peau, et au final, il y aura plus d’honneur dans le voleur Topo Miranda que dans les policiers, qu’ils soient simples flics ou haut gradés.

— Tu peux m’expliquer où est la différence si c’est le voleur que je suis qui te paie pour pouvoir prendre la tangente plutôt que le banquier qui est lui aussi un voleur ?
— C’est très simple, si c’est le voyou de banquier qui paie on ne risque pas de me courir après, par contre, si c’est toi, ce sera une autre histoire.
— Mais moi je paie le double, c’est un meilleur deal et personne n’est censé être au courant.
— Je ne suis pas un homme d’affaires, Topo, je vois les choses différemment.
— C’est ça que je n’arrive pas à comprendre, Lascano, comment on peut être à ce point intelligent et con à la fois.
— La nature est pleine de surprises.

— Dis-moi, Topo, tu n’as jamais réfléchi à tout ce boulot que tu abats, aux risques que tu prends et à tout ce fric que tu voles, tout ça pour qu’il finisse dans les poches des flics les plus pourris qu’on puisse trouver ?
— Tu as raison, mais pour l’instant je me fous de tout ça.

Un roman noir toujours aussi caustique dans sa description de l’Argentine des années 80, parlant de corruption, de tortures, de disparitions d’opposants, de junte militaire, de magouilleurs assassinés par plus magouilleurs qu’eux, d’enlèvements d’enfants, de pauvres obligés de voler pour survivre, mais avec une intrigue fort brouillonne au départ et qui en partant dans tous les sens, pourrait perdre quelques lecteurs en chemin.

— Que voulez-vous que je vous dise, Pereyra ? Dans un pays comme le nôtre, où les gouvernements, avec la complicité des entreprises, volent jusqu’à l’envie de vivre aux gens, où un type qui a passé toute sa vie à bosser touche une retraite qui lui permet tout juste de se payer un café…
— Mieux vaut pauvre mais honnête, Lascano.
— Ah, oui ? Alors dites-moi, pourquoi les prisons sont pleines à craquer de pauvres ?
— Parce qu’ils n’ont pas de quoi se payer des avocats. Mais vous, vous êtes un homme honnête, voguant au beau milieu d’une mer de corruption.
— Disons que je suis un peu plus honnête que les autres mais, pour être franc, je ne sais pas si c’est par conviction ou par lâcheté. Et je n’ai aucune envie de le savoir.

Heureusement que j’avais une carte détaillée et des petits cailloux car malgré toutes les fois où je me suis égarée, j’ai toujours réussi à retrouver mon chemin et à terminer mon périple en suivant la silhouette longiligne de Perro Lascano.

Mais c’est comme ça, la chance est une putain qui finit souvent au lit avec un autre.

— Dans ce pays, p’pa, pour devenir président il faut être avocat ou militaire, et comme je ne veux pas être bidasse…
— Mais président, apparemment, tu n’aurais rien contre.
— Et pourquoi pas.
— Tu ne peux pas trouver quelque chose de mieux ?
— Truand, par exemple ?
— Te fous pas de moi, au final c’est presque la même chose. La différence c’est que les politiciens ont moins de chances de finir au trou.
— Très drôle.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2017-2018) et le Mois du polar (Février 2018) chez Sharon.

Le chasseur de lucioles : Janis Otsiemi

Titre : Le chasseur de lucioles

Auteur : Janis Otsiemi
Édition : Jigal (2012) / Presse Pocket (2014)

Résumé :
À Libreville, une prostituée est découverte sauvagement assassinée dans un motel de la périphérie. Les agents de la PJ – de fidèles abonnés des bordels de la capitale – pensent tout d’abord à un crime de rôdeur…

Quand une seconde fille est retrouvée égorgée dans un autre hôtel du quartier, les policiers sont encore loin d’imaginer qu’ils ont affaire à un client bien décidé à nettoyer la ville de toutes ses lucioles… Celui qui te veut du mal la nuit a commencé à t’en vouloir le jour.

C’est dans ce climat de psychose générale que les gendarmes de la DGR enquêtent de leur côté sur le braquage d’un fourgon de la Société Gabonaise de Sécurité dont le butin de plusieurs millions de francs CFA attise bien des appétits…

Critique : 
Vous voulez en apprendre un peu plus sur le Gabon ? Oubliez le Guide du Routard, trop gentil, et ouvrez plutôt ce roman !

L’auteur est sans concession aucune envers son pays, gangréné par la corruption qui se pratique à tous les étages, tout en sachant que plus on est haut dans la société, plus on peu corrompre et s’en mettre plein les poches.

On ne peut pas prêcher l’honnêteté en bas de l’échelle sociale quand d’autres, au plus haut niveau, s’en mettent plein les poches.

Celui qui voudrait rester honnête ne le pourrait pas. Oui, ici la corruption et le clientélisme sont des véritables sports nationaux.

Le tribalisme doublé du népotisme, du clientélisme et de l’allégeance politique est ici un sport national, comme le football l’est au Brésil. Plus qu’une chasse aux sorcières, l’épuration ethnique est légion dans toute l’administration gabonaise. Certains ministères étaient même réputés être la propriété d’une certaine ethnie. Vive la république tribaliste !

Ici, il dit tout ce qu’un guide touristique ne dirait pas et que le politiquement correct (ou la trouille des répressions) évite de dire, entre autre, les problèmes entre les ethnies. Si un bureau est rempli de Fangs, n’y faite pas entrer un Myènè.

Le dépaysement est garanti dans ce roman car nous ne faisons pas que de changer de pays, de continent, de culture…

L’auteur étant du pays, il nous parle en connaissance de cause, émaillant ses dialogues de mots bien de chez lui, avec les traductions en bas de pages, parce que leurs expressions ne sont pas les mêmes chez eux que chez nous. Ou le contraire, tout dépend dans quel pays on se place.

Ici, les flics n’ont rien de Sherlock Holmes, rien des Experts Miami… On bosse encore à l’ancienne et niveau recherches des preuves, ma foi, on tabassera le suspect d’abord, on vérifiera après. La preuve, la résolution des crimes ne passera pas par de puissantes déductions, mais devra plus à la chance et aux renseignements obtenus.

J’ai eu juste un peu de mal au départ avec les différents personnages, n’arrivant pas à assimiler qui était qui et faisant un bouillon avec tout le monde avant que le cerveau ne se reconnecte et enregistre le tout.

Un cadavre sur la plage, un trafic d’armes, une enquête, un braquage de fourgon blindé, une autre enquête, des prostituées (lucioles) qui se font assassiner sauvagement, on secoue et hop, on vous emballe le tout dans un chouette petit roman bien dépaysant, avec des chapitres courts, des proverbes bien de chez eux, des expressions aussi, une grosse louche de corruption et le tour est joué.

Étoile 3

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016).

CHALLENGE - Thrillers et polars 2015-2016