Critique :
Pour ce roman, j’ai fait honneur à mon deuxième pseudo qui est « Cannibal Lecteur » car j’ai dévoré ce roman en presque une seule journée.
Mais lundi 07/09, il était tard, il me restait une petite centaine de pages à lire et je devais me lever tôt. Ce fut donc avec regret que j’ai posé le roman, juste à la fin du procès, l’âme en peine à l’idée de ne pas le terminer de suite, le cœur lourd en sachant qu’il serait bientôt fini.
Qu’est-ce qui a fait que j’ai bouffé, avalé, dévoré, cannibalisé ce roman ? Tout ce qui est dedans était appétissant… et tout en étant simple, c’était un récit complexe. J’vous explique.
Le récit se passe dans la petite ville de Maycomb (fictive) en Alabama, au cœur de l’Amérique sudiste très raciste et remplie de préjugés. Les années 30, c’est toute une époque, notamment celle de la récession économique.
La petite ville de Maycomb a tout du trou du cul de l’Alabama, toutes les familles se connaissent et il fut un temps où tout le monde se reproduisait entre eux, ce qui donne des familles liées à plusieurs degrés, bien souvent.
Malgré tout, il y a des classes dans la ville. Selon votre nom de famille, vous êtes en haut du panier, au milieu, dans le fond du panier ou encore plus bas, si vous être noir. Et on est prié de ne pas se mélanger entre classes, s’il vous plait !
— Pourquoi, Tatie ? C’est des gens bien.
Elle me jeta un regard par-dessus ses lunettes qu’elle portait pendant ses travaux d’aiguille :
— Jean Louise, je ne doute pas un instant que se soient des gens bien, cependant, ils ne sont pas de notre milieu.
Les gens de couleurs sont appelés « Nègres » par ces charmantes personnes et ont moins de droit qu’un chien galeux. D’ailleurs, ils n’en n’ont même pas, de droits, et leur parole vaut moins que celle d’un Blanc au tribunal.
Il y a quelque chose dans notre monde qui fait perdre la tête aux hommes. Ils ne pourraient pas être justes s’ils essayaient. Dans nos tribunaux, quand c’est la parole d’un homme blanc contre celle d’un Noir, c’est toujours le Blanc qui gagne. C’est affreux à dire mais c’est comme ça.
Ambiance « Amérique rurale sudiste et raciste » assurée et j’aime lire ce genre de portrait de celle qui a, parfois, un peu trop tendance à donner des leçons aux autres.
C’est Scout Finch (Jean-Louise, de son véritable prénom) qui nous raconte cette histoire qui va se dérouler sur un peu plus de 3 ans. La simplicité du récit vient du fait que c’est une petite fille qui a presque 6 ans qui nous le narre.
La complexité vient du fait qu’au début du roman, Scout nous dit qu’elle se souvient de tout, donc, elle est plus âgée lorsqu’elle prend la plume pour nous conter cette partie de sa vie. C’est pour cela que la narration est tout de même différente de celle d’une gamine de 6 ans.
Malgré tout, dans son récit, Scout Finch se montre toute innocente, ne sachant pas toujours de quoi les grands parlent, surtout quand les femmes parlent de leurs « périodes ».
Il y a de l’innocence dans le récit, celle d’une petite fille qui ne désire que peu de choses : porter des salopettes, ne pas aller à l’école et suivre son grand frère, Jem (Jeremy) partout et jouer toutes les vacances avec Dill, un petit garçon étrange, à l’imagination bien développée.
Si le début du roman est tout doux avec les trois enfants qui sont intrigués par un de leur voisin Boo Radley qui vit reclus chez lui et tentent par tous les moyens de savoir s’il est vivant ou non, la suite deviendra plus sombre, plus profonde, plus émotionnelle.
Le père des enfants, Atticus Finch est chargé de défendre Tom Robinson, un Noir accusé du viol d’une Blanche et c’est là que le récit prend de l’ampleur.
Le racisme des habitants de la ville est un racisme crasse, bête et méchant, limite risible si ce n’était pas aussi grave.
—Jem, demandai-je, c’est quoi un métis ?
— Un enfant à moitié blanc, à moitié noir. Tu en as vu, Scout. Tu sais, ce petit rouquin aux cheveux frisés qui livre chez l’épicier. Il est à moitié blanc. Ils sont très tristes.
— Pourquoi tristes ?
— Parce qu’ils n’appartiennent à aucune communauté. Les gens de couleur n’en veulent pas parce qu’ils sont à moitié blancs; les Blancs n’en veulent pas parce qu’ils sont de couleur; alors ils sont entre les deux, c’est-à-dire nulle part.
Pour eux, défendre un Nègre est honteux, être l’ami d’un Nègre encore plus et les enfants Finch vont en voir de toutes les couleurs à cause de la défense que leur père doit assurer pour Tom Robinson.
Ici, tout le monde a été biberonné au racisme, enfants comme adultes perdent tout sens commun et nous entrainent dans des situations qui m’ont fait froid dans le dos parce qu’il suffirait de peu pour qu’on le revive en 2015. N’allons pas croire que nous serions différents… Rien de plus stupide qu’une foule.
Le récit du procès m’a fait couler la sueur froide dans le dos, j’ai eu mal ma gueule devant tant de bêtise humaine, devant tant de préjugés. Ça me prend aussi devant les infos…
— Je voudrais que tu comprennes ce qu’est le vrai courage. C’est savoir que tu pars battu d’avance, et malgré cela, agir quand même et tenir jusqu’au bout.
— Avant de vivre en paix avec les autres, je dois vivre en paix avec moi-même. La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l’individu.
Tout le roman est profond, émotionnellement fort, mais le procès et l’après-verdict le seront encore plus.
Tuer un oiseau moqueur est un péché, tout comme accuser un innocent et le condamner. C’est nier l’évidence la plus flagrante, c’est ne pas vouloir voir, c’est condamner à cause d’une couleur de peau et se moquer de la Justice.
Un roman qui m’a pris aux tripes, un roman dont la plume, simple et complexe, vous entrainera dans le Deep South, le Sud profond, dans tout ce qu’il a de plus laid, mais dans tout ce qu’il a de plus beau aussi.
Même dans l’obscurité, il y a toujours un peu de lumière. Oui, il y a de la philosophie de vie, dans ces pages et ce serait bête de passer à côté.
— On va gagner Atticus ?
— Non, ma chérie.
— Alors pourquoi…
— Ce n’est pas parce qu’on est battu d’avance qu’il ne faut pas essayer de gagner.
— D’abord, Scout, un petit truc pour que tout se passe mieux entre les autres, quels qu’ils soient, et toi : Tu ne comprendras jamais aucune personne tant que tu n’envisageras pas la situation de son point de vue …
— Pardon ?
— … tant que tu ne te glisseras pas dans sa peau et que tu n’essaieras pas de te mettre à sa place.
Une lecture marquante, lecture que j’aurais dû faire depuis longtemps et qui me donne envie de proposer d’ajouter une sixième étoile chez Babelio.
Un roman très grand… à faire lire aux petits esprits, mais pas sûr qu’ils comprendront le message. Non, comprendraient pas !
— Je voulais que tu comprennes quelque chose, que tu voies ce qu’est le vrai courage, au lieu de t’imaginer que c’est un homme avec un fusil à la main. Le courage, c’est de savoir que tu pars battu, mais d’agir quand même sans s’arrêter. Tu gagnes rarement mais cela peut arriver.
Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016), « Le Mois Américain » chez Titine, Lire « À Tous Prix » chez Asphodèle (prix Pulitzer en 1961) et le Challenge « La littérature fait son cinéma – 4ème année » chez Lukea Livre.