Mémoires de la forêt – 01 – Les souvenirs de Ferdinand Taupe : Mickaël Brun-Arnaud et Sanoe

Titre : Mémoires de la forêt – 01 – Les souvenirs de Ferdinand Taupe

Auteur : Mickaël Brun-Arnaud
Illustrateur : Sanoe

Édition : L’Ecole des loisirs (16/03/2022)

Résumé :
Dans la forêt de Bellécorce, au creux du chêne où Archibald Renard tient sa librairie, chaque animal qui le souhaite peut déposer le livre qu’il a écrit et espérer qu’il soit un jour acheté.

Depuis que ses souvenirs le fuient, Ferdinand Taupe cherche désespérément à retrouver l’ouvrage qu’il a écrit pour compiler ses mémoires, afin de se rappeler les choses qu’il a faites et les gens qu’il a aimés. Il en existe un seul exemplaire, déposé à la librairie il y a des années.

Mais justement, un mystérieux client vient de partir avec… À l’aide de vieilles photographies, Archibald et Ferdinand se lancent sur ses traces en forêt, dans un périple à la frontière du rêve, des souvenirs et de la réalité.

Critique :
Puisque j’avais déjà un pied dans le fantastique après « Contes de fées » de Stephen King, j’ai embrayé directement avec ce roman fantastique jeunesse qui traînait dans mes étagères, alors que je voulais le lire au plus vite…

Dans ce monde fantastique, les animaux parlent, sont habillés et ne se mangent pas entre eux. De plus, ils écrivent des livres (en un seul exemplaire) et le déposent à la librairie pour tenter de les vendre.

Archibald le renard est le libraire et il est bien embêté de ne pas savoir vendre à Ferdinand Taupe le manuscrit qu’il avait déposé il y a fort longtemps. Dedans, il y avait tout ses souvenirs.

Les voici donc parti dans la forêt, à la recherche du manuscrit perdu, avec le vieux Ferdinand qui souffre de la maladie de l’Oublie-Tout, l’Alzheimer des animaux.

Pour qui a connu des membres proches souffrant de cette maladie, le livre lui parlera, tant il est réaliste dans les attitudes des personnes en souffrant : pertes de mémoire, ne plus savoir où ils sont, qui sont les gens devant eux (même leurs enfants) et ce retour en arrière, dans l’enfance, comme ma grand-mère maternelle qui m’assurait que son père allait rentrer… Dur !

Les prendre de front n’est pas la solution, le Renard le sait et il a bien de la patience, car il n’est pas toujours facile de faire revenir à état normal une personne qui est perdue dans sa mémoire.

Ferdinand recherche Maude désespérément. C’est son épouse, elle a disparu et il ne sait plus où la chercher, si ce n’est remonter le fil du temps à l’aide de photos d’eux deux et grâce à la gentillesse de son libraire qui va l’épauler durant ce voyage éprouvant pour les deux.

Mais ce roman jeunesse ne parle pas que de ça. Il aborde aussi les thématiques du harcèlement scolaire et de la non acceptation de son genre. Oui, pas facile de s’accepter, ni d’accepter le temps que passe, les deuils qui peuvent nous frapper de plein fouet et de passer au-dessus (pas oublier, mais vivre avec la peine, l’absence).

C’est un joli roman fantastique, qui sera parfait pour parler de la maladie d’Alzheimer avec les plus jeunes qui ne la connaissent pas, pour aborder le deuil et les saloperies de méchancetés que certains élèves peuvent faire à d’autres à l’école.

Une lecture remplie d’amitié, de petits mets sucrés que nos amis dévorent au fil de leur aventure, le tout enroulé de beaucoup de tendresse et d’émotions diverses. Parce que oui, j’avais compris une partie, mon cher Ferdinand…

Une lecture cocooning, sans pour autant être neuneu, que du contraire !

 

1629 ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta – 01 – L’apothicaire du diable : Xavier Dorison et Thimothée Montaigne

Titre : 1629 ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta – 01 – L’apothicaire du diable

Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Thimothée Montaigne

Édition : Glénat (16/11/2022)

Résumé :
Inspiré de faits réels, le thriller maritime le plus impitoyable de l’Histoire… 1629, la Compagnie hollandaise des Indes orientales, la plus riche société que l’Histoire ait jamais connue, affrète le Jakarta, fleuron de son immense flotte.

Destination : l’Indonésie. Cargaison : assez d’or et de diamants pour corrompre l’empereur de Sumatra.

À son bord, plus de 300 personnes issues de la misère ou de la fine fleur des bas-fonds d’Amsterdam. Point commun, aucun d’eux n’aurait jamais mis les pieds à bord de cet enfer flottant s’il n’était désespéré.

Attisée par l’or et la violence des officiers, la tentation d’une mutinerie grandit, faisant du Jakarta un véritable baril de poudre. Un homme est prêt à allumer la mèche pour nourrir sa cupidité autant que ses rêves de grandeur : Jéronimus Cornélius.

Apothicaire ruiné, recherché par l’Inquisition, il est le numéro deux à bord. Cultivé, intelligent, charismatique, rien ni personne ne semble en mesure d’empêcher son funeste projet de massacre et de prise du pouvoir sur le navire…

Critique :
Depuis Renaud, tout le monde le sait : ♫ C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme ♪ et que ♪ La mer c’est dégueulasse, Les poissons baisent dedans ! ♫

Dans ce magnifique album à la couverture dorée qui attire l’œil, ce ne sera pas de la plaisance, que du contraire.

Dès le vent soufflera, le Jakarta partira… Merde, c’est cette nuit, faut pas traîner !

La VOC, la Compagnie hollandaise des Indes orientales (Vereenigde Oostindische Compagnie) veut qu’il batte tous les records de voyage. Heu, on leur explique que ça n’a pas porté chance à un immense paquebot, en 1912, cette envie d’arriver avant les autres ?

Le capitalisme n’attend pas, les dirigeants ne risquent que du fric, pas leur vie, ils restent sur le plancher des vaches, eux et ce sont les autres qui risquent leur peau pour un salaire de misère, des conditions de travail qui feraient tomber dans les pommes un syndicaliste modéré et de la bouffe de merde.

Le seul maître à bord, après Dieu, n’est pas le capitaine, mais le subrécargue Francisco Pelsaert, qui est calife au-dessus du calife, heu, capitaine au-dessus du capitaine. Sur le Jakarta, 300 marins issus des bas-fonds, des assassins, des mecs qu’on a pas envie de croiser au coin d’une rue, même super bien éclairée.

Quelle bédé, bande de moussaillons d’eau douce ! Nous ne sommes dans l’aventure avec un grand A, avant de se retrouver dans les emmerdes avec un grand E.

L’apothicaire Jéronimus Cornélius est un personnage mystérieux et ça magouille dans les coursives, ça chuchote et je n’avais aucune idée de comment ce premier épisode allait se finir, bien que les premières cases ne laissent aucun doute…

Les dessins sont superbes, grandioses, magnifiques. J’en rajoute une louche ou vous avez compris, bande de moule-à-gaufre ? Lorsque la mer est en furie, on aurait presque envie de vomir son quatre-heures et son minuit aussi… Soyez dans les nantis, sinon, vous dormirez dans vos vêtements mouillés.

La tension monte lentement, au fil des pages et de l’eau, la violence sur le pont est omniprésente, le subrécargue Pelsaert estimant qu’il faut punir très fort les hommes pour qu’ils restent dociles. Ce genre de réflexions, je les avais déjà entendue sur un autre indiaman (navire de la VOC), notamment dans le roman L’étrange traversée du Saardam.

Moi qui aime les bateaux, j’en ai eu pour mon argent avec ce premier tome qui m’a emporté sur les flots et donné des sueurs froides.

Le suspense est à son comble et je n’ai qu’une seule envie, c’est de retrouver les marins du Jakarta pour connaître la suite de leurs aventures (mais faudra attendre, merde alors !).

Un magnifique album, tant dans son esthétique que dans son scénario (inspiré de faits réels).

Une aventure en mer, qui est aussi psychologique que maritime, où l’on ne sait pas ce qu’il se passera, vu que bien des hommes, sur le navire, sont d’une noirceur totale et que certains cachent bien leur jeu.

De plus, cet album met en scène ce que l’on appelle l’extinction de l’âme, un mécanisme mental réel et effrayant : l’arrêt complet de l’empathie d’un groupe d’humain associé à la suspension de leur jugement moral et qui aura, pour conséquences immédiates, le sadisme, les massacres…

Une belle découverte.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°101].

Le lac de nulle part : Pete Fromm

Titre : Le lac de nulle part

Auteur : Pete Fromm
Édition : Gallmeister (06/01/2022)
Édition Originale : Lake Nowhere (2022)
Traduction : Juliane Nivelt

Résumé :
Cela fait bientôt deux ans que Trig et Al, frère et sœur jumeaux, n’ont plus de contact avec leur père. Et voilà qu’il réapparaît dans leur vie et réclame « une dernière aventure » : un mois à sillonner ensemble en canoë les lacs du Canada.

À la fois excités à l’idée de retrouver la complicité de leur enfance et intrigués par ces retrouvailles soudaines, les jumeaux acceptent le défi de partir au milieu de nulle part.

Mais dès leur arrivée, quelque chose ne tourne pas rond, les tensions s’installent.

Contrairement à ses habitudes, leur père paraît mal préparé à l’expédition, qui s’annonce pourtant périlleuse par ce mois de novembre froid et venteux.

Tous les trois devront naviguer avec la plus grande prudence entre leurs souvenirs et la réalité qui semble de plus en plus leur échapper.

Critique :
Qui a eu cette idée folle, non pas d’inventer l’école, mais d’emmener ses enfants pagayer en canoë sur des lacs canadiens, fin octobre, et ce, durant un mois ? C’est leur papa Bill !

Bill, grand aventurier à l’ancienne, a proposé à ses jumeaux de plus de 25 ans, de vivre une dernière aventure ensemble, comme au bon vieux temps (sans maman, puisque divorcés).

Al et Trig sont des faux jumeaux, Al étant la fille et Trig le gamin. Vous comprendrez dans le récit, pourquoi leur père a décidé de les affubler de ces prénoms horribles. Le père est un hurluberlu, un peu fou, un peu zinzin, fantasque, autoritaire, avec des certitudes bien ancrées…

Qu’allaient-ils faire dans cette galère, aux portes de l’hiver (oh, je vais des vers) ? Parce que sérieusement, faut déjà être un peu folle pour lire un récit qui se déroule dans des grands froids alors que dehors, il fait 2° (et dedans, pas plus de 19°), mais rester dans un parc composés de grands lacs, en hiver, seuls comme des cons, faut être chtarbé !

Pete Fromm est un auteur que j’apprécie beaucoup, certains de ses romans m’ont fait vibrer et là, j’ai eu un peu de mal avec le début de son roman, notamment avec les redondances des gestes de notre trio : portage des canoës, monter le camp, préparer la bouffe, dormir dans les duvets, se lever, s’habiller, pisser un coup, préparer le café, démonter le campement, pagayer… Ça devenait long et laborieux !

Mêmes les décors n’étaient pas vraiment au rendez-vous… Quant à l’attachement aux personnages, il était aux abonnés absents. Il aurait peut-être fallu avoir un narrateur omniscient au lieu de Trig. Ou alors, passer de l’un à l’autre…

Si je me suis accrochée à ma pagaye et remonté le plaid sur moi pour ne pas frissonner plus, c’est parce que je sentais que là, sous la glace qui n’était pas encore arrivée, se cachait un Nessie, un monstre du Loch Ness qui allait surgir et engloutir tout le monde, au sens figuré, bien entendu.

Chacun porte sa croix, a ses blessures, ses secrets qu’il ne dit pas, qu’il garde pour lui. Le père a un comportement bizarre, ça sentait la merde à plein nez. Trig, le fils, allait se réfugier dans son vortex et les tensions montaient entre les protagonistes de ce canoë dangereux, vu la saison froide qui arrive à grand pas.

Quant à Al, elle était distante de son père, pas trop contente d’être là. La bomba allait exploser… Et ça n’a pas loupé ! Il a tout de même fallu plus de 150 pages pour que le récit commence à bouger.

À partir de ce moment-là, le récit est devenu addictif, car récit de survie pure et dure, dans le froid, avec les glaces qui se forment. Impossible de lâche le roman, je l’ai terminé sur ma soirée, alors qu’auparavant, je ne pagayais plus, heu, pardon, je n’avançais plus.

Là, tout le talent de Pete Fromm entre en jeu pour nous décrire, avec brio (avec qui ?), un récit de survie, un récit dans un froid de -20°, avec les provisions qui diminuent, la trouille de ne pas arriver au point de départ et les paysages qui changent, en raison de la neige, sans compter que pas de cartes, de GPS, pas de réchaud (allumettes seulement), bref, à l’ancienne…

Le récit m’a donc donné ma dose d’adrénaline, même si je n’ai jamais eu d’empathie pour les personnages, ce qui aurait été un plus. Déjà que j’avais hésité à poursuivre ce roman qui m’avait un peu endormi au départ. Comme quoi, persévérer, parfois, ça paie.

Un roman d’aventure extrême, de survie dans la nature et le froid, où la moindre erreur, la mauvaise décision, se paie cash. Ce roman met aussi en scène des jumeaux fusionnels, issu d’une famille un peu bizarre, où il faudra une expédition mal préparée, à la mauvaise saison, pour faire sortir le pus des blessures. Une thérapie de groupe aurait été moins dangereuse.

Le final, lui, m’a estomaqué… Il n’aura manqué, à ce roman, qu’un début moins soporifique, des décors mieux décrits et des personnages attachants. En ce qui concerne l’adrénaline, elle, elle fut au rendez-vous, j’ai eu ma dose.

Mon cheval de bataille : Delphine Pessin

Titre : Mon cheval de bataille

Auteur : Delphine Pessin
Édition : Didier Jeunesse – Fiction (13/10/2021)

Résumé :
C’est un grand jour pour Arthur. Il assiste à un spectacle de voltige équestre, sa passion ! À sa grande surprise, l’un des chevaux sort du rang pour le saluer affectueusement.

Ce qu’il ignore c’est que ce cheval est spécial et sait détecter les personnes malades.
Quelques jours plus tard, tout bascule : Arthur fait un malaise…

Dans l’épreuve qui l’attend, le garçon pourra compter sur sa grande sœur. Pour mieux livrer bataille, elle a même quelques idées un peu folles…

Critique :
Pour moi, une LAL, c’était bêtement une Liste À Lire, rien de plus. Depuis cette lecture, ce ne sera plus aussi banal puisque c’est aussi l’acronyme de Leucémie Aiguë Lymphoblastique.

Oui, ce roman jeunesse parle de leucémie, de cancer chez les plus jeunes, chez les enfants… En l’occurence, dans ce roman, c’est Arthur qu’elle va toucher.

Malgré la dureté du sujet, jamais l’autrice ne sombre dans le pathos, le larmoyant ou l’excès : elle n’est pas là pour que vous fassiez un don à la recherche contre la leucémie. Nous ne sommes pas dans une soirée télé où il faut faire pleurer dans les chaumières pour obtenir plus de dons que l’année précédente.

Que du contraire, elle tente de montrer l’envers du décor, celui que personne ne voit, celui auquel personne ne songe : la famille du malade… Pas question de nous montrer des parents forts, qui font front, qui se battent avec une énergie qui semble inépuisable et où tout le monde est soudé, comme dans le meilleur des mondes.

Non, une maladie pareille qui touche un jeune garçon de 10 ans, ça fait voler en éclat une famille, ça donne l’impression à la mère qui porte son fils à bout de bras, que son mari ne fait rien pour l’aider et que son adolescente de fille prend le tout à la légère parce qu’elle blague avec son petit frère malade.

La maladie, ça rend les autres de la fratrie invisible, ça leur donne la haine contre cette invisibilité, ils ont la haine sur les autres élèves de l’école qui les regardent avec pitié, qui ne savent pas quoi dire ou quoi faire, qui sont maladroits face à celui ou celle qui doit affronter la maladie d’un proche, surtout si c’est un gosse.

Ce roman, c’est un container d’émotions brutes, c’est un récit traité avec finesse, avec des nuances, sans que l’on puisse porter jugement à l’un ou à l’autre, puisque chacun est persuadé d’agir comme il le faut, ou de ne pas trouver sa place, de ne pas trouver les mots qu’il faut. Chacun essaie de faire ce qu’il peut, mais ce n’est jamais assez ou ce n’est jamais bon.

Rien n’est facile… Personne n’est préparé à ça.

Vivianne, la grande sœur d’Arthur, en pleine crise d’adolescence, va partir en vrille : personne ne la comprend et elle a raison. Son amie essaie de l’aider, mais elle s’y prend mal et ce n’est pas de sa faute non plus… La maladie fait des ravages sur son passage et des dégâts collatéraux sont impossible à imaginer au départ. Sa mère aussi part en vrille dans son désir de tout contrôler, de protéger Arthur…

Lucas, enfant malade, qui arrive à blaguer alors qu’il en a déjà bien bavé, est un bel exemple de la résilience des enfants et de leur désir d’évacuer la pression avec de l’humour noir. Un personnage très lumineux, ce petit Lucas.

Les enfants aiment qu’on leur dise la vérité, qu’on ne leur cache rien, qu’on ne minimise pas leur maladie et qu’on leur explique exactement comment le traitement va se dérouler.

Si l’autrice évite l’écueil du pathos ou du larmoyant, je vous avouerai que j’ai eu quelques fois la gorge serrée, mais pas au moment du décès d’un petit malade. L’émotion m’a submergée dans des moments de bonheur, de complicité, lors d’une visite particulière et lors d’une marche… Intense niveau émotions !

Un magnifique livre qui aborde un sujet difficile tel que la maladie des enfants et leur extrême lucidité face à ce qui pourrait les cueillir au bout du chemin. Un roman jeunesse qui aborde les différents phases des traitements de chimio et leur impact que tout cela aura sur une famille.

Magnifique et tout en finesse !

Merci à Sharon d’en avoir parlé et de m’avoir donné envie de le lire !

Le Challenge Animaux du monde 2020 chez Sharon [Lecture N°95].

Tout le bleu du ciel : Mélissa Da Costa [LC avec Bianca]

Titre : Tout le bleu du ciel

Auteur : Mélissa Da Costa
Édition : Le Livre de Poche (2020) – 838 pages

Résumé :
Petiteannonce.fr : Émile, 26 ans, condamné à une espérance de vie de deux ans par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) pour partager avec moi ce dernier périple.

Émile a décidé de fuir l’hôpital, la compassion de sa famille et de ses amis. À son propre étonnement, il reçoit une réponse à cette annonce.

Trois jours plus tard, avec le camping-car acheté secrètement, il retrouve Joanne, une jeune femme, qui a pour seul bagage un sac à dos, un grand chapeau noir, et aucune explication sur sa présence. Ainsi commence un voyage stupéfiant de beauté.

À chaque détour de ce périple naît, à travers la rencontre avec les autres et la découverte de soi, la joie, la peur, l’amitié, l’amour qui peu à peu percent la carapace de douleurs d’Émile.

Critique :
Si l’on vous annonçait que vous n’aviez plus que pour 2 ans à vivre, que feriez-vous ? Sachant que la maladie qui vous frappe de plein fouet dans votre jeunesse est un Alzheimer précoce…

Émile à 26 ans et est condamné à mourir dans un hôpital, sa mémoire fichant le camp au fur et à mesure. Lui, ce qu’il veut, c’est voyager et mourir ailleurs qu’à l’hosto. Il achète donc un camping-car et passe une petite annonce pour avoir un compagnon de voyage. Ce sera une jeune fille : Joanne.

Lorsque je suis montée dans ce camping-car, je m’y suis sentie bien, même si l’histoire ne roulait pas vite, même si l’histoire était constituée de phrase somme toute banales. De poncifs, de gestes du quotidien.

Les personnages me plaisaient, sans m’enthousiasmer et j’avais envie de tracer la route avec eux, de chausser mes godasses de rando et d’aller avec ma tente sur le dos faire un périple avec eux deux dans les Pyrénées. Bianca, qui faisait cette LC avec moi, est descendue à la première pompe d’essence et s’est enfuie en courant…

Ce roman a des airs de feel-good book, même si l’on se doute que l’on va lire la chronique d’une dégénérescence annoncée et que cela se terminera pas le décès d’Émile, sauf si les médecins se sont mis le doigt dans l’œil. Mais ça, se serait très con.

Effectivement, il ne se passe pas grand-chose dans ce gros pavé, l’auteure prenant la peine de nous décrire les gestes du quotidien, les repas, la cuisson des pâtes, la confection des salades, les achats de matériel pour la rando…

Rassurez-vous, il n’y a pas que ça ! Ce roman possède aussi ses petits moments d’émotions, ses petites touches de tendresse, de prises de conscience, cette amitié qui grandit et même de très grands moments remplis d’émotions larmoyantes.

Les descriptions des paysages sont bien présentes et cela donne l’impression d’être dans les Pyrénées, de marcher avec eux, de ressentir la soif, la fatigue. Là, je me suis retrouvée.

L’auteure a pris la peine de doter Émile et Joanne d’un passé et si celui d’Émile nous est divulgué assez vite, il faudra passer le cap de plus de la moitié pour apprendre ce qui rend Joanne aussi mélancolique. Joanna est un personnage très touchant, elle parle peu mais elle a une présence énorme dans ces pages.

Quant à Émile, il est encore plus touchant avec ses pertes de mémoires qui le rendent totalement perdu, presque fou de ne pas savoir ce qu’il fait là, triste d’avoir oublié ce qu’il  a fait ces deux derniers jours. Alzheimer n’est pas une maladie facile pour l’entourage et comme on oublie les souvenirs les plus récents, c’est Joanne qui va trinquer…

Bizarrement, l’extrême lenteur du récit ne m’a pas dérangée (contrairement à d’autres romans), même si, au bout d’un moment, la lassitude s’est installée (j’avais tout de même dépassé le cap de la page 560). Trop long, c’est trop long (je vous offre cette pensée philosophique de haut vol).

Ce sera mon plus gros bémol pour cette lecture : 838 pages, c’est trop ! Il y avait moyen de nous expliquer le périple de nos deux compagnons de voyage avec 250 pages de moins, ce qui aurait donné plus de rythme au récit. Le début est poussif, c’est là que j’ai perdu ma copinaute de lecture…

Pourtant, le voyage était intéressant à faire car il n’était pas qu’un simple voyage au gré des envies de nos deux compagnons, non, c’était surtout un voyage à l’intérieur d’eux-mêmes, une introspection, afin de perdre tout ce qui n’était pas bon pour leur esprit, leur coeur. Une sorte de grand nettoyage de printemps dans leur tête, une vidange de tout ce qui leur broyait le cœur et leur donnait des idées noires.

Ce voyage était initiatique pour eux deux et le pari fut réussi. À nous de faire sortir les scories de nos esprits et de ne garder que le plus beau, le plus lumineux, le plus agréable de nos vies.

Lu dans sa version Livre de Poche de 838 pages.

Le pavé de l’été – 2021 (Saison 10) chez Sur Mes Brizées.

MotherCloud : Rob Hart

Titre : MotherCloud

Auteur : Rob Hart
Édition : Belfond (05/03/2020)
Édition Originale : The Warehouse (2019)
Traduction :

Résumé :
Ex-petit patron désormais ruiné, Paxton n’aurait jamais pensé devoir intégrer une unité MotherCloud, cette superstructure de l’e-commerce qui a dévoré la moitié de l’économie mondiale. Pourtant, dans une société n’ayant plus rien à offrir, comment peut refuser un job qui propose non seulement un salaire, mais aussi un toit et à manger ?

La jeune Zinnia non plus n’aurait jamais pensé rejoindre MotherCloud, mais sa mission est tout autre : une révolution est en marche dont elle est le bras armé. Devenir salariée n’est qu’un premier pas pour infiltrer le système, en percer les secrets. Le détruire.

Dans cet univers où tout est calculé, paramétré, surveillé, où l’humain disparaît au profit de la rentabilité, où l’individu n’est qu’un algorithme, Zinnia et Paxton réalisent bientôt qu’il est impossible de dévier. À moins d’être prêt à se sacrifier ?

Car derrière sa façade d’entreprise idéale, MotherCloud est une machine à broyer, impitoyable à l’égard de ceux qui oseraient se rebeller.

Critique :
Imagine… Imagine un monde où les gens n’oseraient plus sortir de chez eux et commanderaient tout sur la plateforme Cloud.

Imagine un monde où une partie de l’humanité crève de faim, de soif, de chaud sous un soleil implacable et où la seule solution pour s’en sortir soit d’entrer bosser chez Cloud.

Plus d’écoles, plus de petits magasins, plus de librairies, des gouvernements à la ramasse.

Imagine une super société géante où les travailleurs vivent, travaillent, dorment, mangent sur le site même… Sans jamais en sortir, sauf si virés.

Où ils portent une montre qui les aide dans leur recherche des produits à envoyer aux clients… Produits envoyés par drones, le plus rapidement possible. On dirait un peu l’autre grosse boîte qui ne paie pas ses impôts, Ha ma zone…

Oui, cette dystopie est ultra réaliste, glace les sangs car cette forme d’esclavagisme est déjà là, n’a jamais totalement disparu, c’est juste modernisé. Les chaînes ne sont plus en métal, mais électroniques et encore plus difficile à enlever car elles ont été mises à l’insu de notre plein gré.

Les patrons, les gouvernements, les sociétés, inventent des gadgets pour nous faciliter la vie, le travail, la tâche, les courses, pour nous distraire, pour notre sécurité, mais c’est toujours à sens unique car le produit, c’est nous ! Le cobaye, c’est nous ! Celui que l’on suit à la trace, c’est nous ! Celui qu’on enchaîne, c’est vous, moi, toi, nous.

Opposant différents récits : d’une part, celui du concepteur, qui pense qu’il a créé le modèle de société idéale, que tout le monde est content et de l’autre, des travailleurs de cette même société qui bossent non stop, à des cadences infernales, suivant leur montre qui leur indique tout et qui les trace partout. Bref, le jour et la nuit !

Gibson, le gentil créateur de MotherCloud avait pourtant une idée de génie, mais à la fin, c’est un peu comme moi quand je me mets au bricolage : dans ma tête, c’est magnifique, génial, la vision de rêve et quand j’ai terminé, ce que j’ai sous les yeux ne ressemble en rien à ce que je voyais dans ma tête. Comme les hamburgers des fast-food, super apetissant et gonflé sur les affiches mais une fois dans l’assiette, oups…

Malheureusement, il y a des longueurs, j’ai eu du mal à m’attacher à Paxton et Zinnia, les deux travailleurs. Bref, j’ai peiné à lire ce roman, à tel point que j’ai pensé arrêter tout à la moitié… J’ai arrêté en fait et pris un autre roman, pour avancer. Puis j’y suis revenue et là, tout s’est débloqué !

L’auteur nous démontre bien aussi que nous nous résignons facilement, trop facilement, alors que nous sans doute toujours juré que « non jamais », que ça ne passerait pas par vous… Et hop, vous voilà parfait petit toutou, remerciant la main qui le soigne et qui lui offre un toit, parce que tout compte fait, c’est mieux que dehors…

Une fois installé dans notre petit confort, dans notre routine, même chiante, même abrutissante, on baisse les bras, on ne se révolte pas, pire, on trouve que tout compte fait, c’est pas si mal que ça… Les résolutions vont aux orties pendant que le reste du monde vous fait bosser comme un esclave pour avoir ses commandes toujours plus vite.

Par contre, j’aurais apprécié d’en apprendre un peu plus sur le monde d’après, sur tous ces gens qui commandent à MotherCloud… Entendre des voix différentes auraient été intéressantes, aurait donné une autre dimension au roman et l’aurait rendu moins orienté.

Malgré le fait que je ne me sois pas attachée plus que ça aux personnages principaux, que j’ai trouvé des longueurs dans le texte et qu’un autre point de vue n’aurait pas été du luxe, cette dystopie est glaçante car elle n’est pas éloignée de notre Monde (hormis le contexte climatique).

MotherCloud pourrait être Ha Ma Zone ou l’autre avec ses 40 voleurs qui niquent les règles du travail, se comportent comme des esclavagistes, ne paient pas d’impôts (ou si peu) et contrôlent une partie du Monde comme des dictateurs, dictant aux gouvernements leur règles à eux qui leur permettent, avec notre accord, de devenir de plus en plus riche.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°161].

Ce qu’il faut de nuit : Laurent Petitmangin

Titre : Ce qu’il faut de nuit

Auteur : Laurent Petitmangin
Édition : La manufacture de livres (20/08/2020)

Résumé :
C’est l’histoire d’un père qui élève seul ses deux fils. Les années passent et les enfants grandissent. Ils choississent ce qui a de l’importance à leurs yeux, ceux qu’ils sont en train de devenir. Ils agissent comme des hommes.

Et pourtant, ce ne sont encore que des gosses.

C’est une histoire de famille et de convictions, de choix et de sentiments ébranlés, une plongée dans le cœur de trois hommes.

Laurent Petitmangin, dans ce premier roman fulgurant, dénoue avec une sensibilité et une finesse infinies le fil des destinées d’hommes en devenir.

Critique :
À quoi ça tient le destin d’une personne ? À un fil, pas plus…

Au fait qu’on ait été là au bon moment ou au contraire, absent quand il ne fallait pas…

Qu’on ait fermé sa gueule quand on aurait dû l’ouvrir… Ou ouvert sa gueule quand on aurait dû la garder fermée.

À des bonnes ou des mauvaises rencontres… À des parents, des amis qui peuvent vous aider à reprendre pied, à changer de route et à prendre la bonne. À vous aussi qui avez envie, ou pas, de suivre leurs conseils. Car si on peut mener le cheval à l’abreuvoir, on ne peut pas le forcer à boire.

Ce roman social m’a donné l’impression d’être un curé écoutant la confession d’un homme qui a tout fait pour que ses deux gamins grandissent bien, après le décès de leur mère. Il a bossé dur, a fait du mieux qu’il pouvait avec ses maigres moyens.

Ses enfants semblaient être parti sur les bons rails, ce qui pour un type qui bosse à la SNCF est une bonne chose. Puis Fus (Frédérique) l’aîné à pris la voie qu’il ne fallait pas et est allé traîner avec des gars de la Marine… Pas la marine marchande, ni celle de l’armée, celle qui a rebaptisé son Front en Rassemblement et c’est refait une virginité.

Effectivement, vu comment le fils en parle et dédramatise la chose, on dirait presque que tout baigne, que c’est propre mais sous la propreté, il y a toujours de la crasse et on a beau emballer la merde de la haine dans un bas de soie, ça reste toujours de la merde.

Rien de bon ne pouvait en sortir d’une telle fréquentation et notre Fus a déraillé grave sa race et fini directement droit dans le mur. Même si d’autres lui ont donné des raisons de péter un câble.

Plus que la confession d’un père qui se demande à quel moment il a merdé, perdu pied, fermé sa gueule ou lieu de l’ouvrir, ce roman donne surtout l’impression d’écouter un vieil ami qui vide son sac, qui se libère d’un poids trop lourd pour ses frêles épaules et qui aimerait que tous les bons moments passés avec ses deux gosses existent toujours.

J’ai aimé sa confession, j’ai aimé l’histoire, le côté social des ouvriers besogneux, socialos, la manière dont l’auteur arrive à parler du racisme ambiant, de ses petites phrases qui semblent innocentes quand on les dit, mais qui ne sont que des pamphlets de haine douce, de lieux communs, de mauvaises pensées, ces préjugés tout faits, ces mauvaises idées que l’on a sur les Autres comme si nous étions nous mêmes exempt de défauts.

Il m’aura juste manqué les émotions que je n’ai pas ressenti alors que j’aurais dû me les prendre violemment dans la gueule.

Pour la défense de l’ouvrage, j’ai encore du mal à me remettre des émotions fortes de « Betty », sans compter que les dernières décisions prises par le Conseil National de Sécurité pour lutter contre le coronavirus m’ont foutues par terre.

Ce n’était pas le livre à lire lorsqu’on a le moral dans les chaussettes et autant d’énergie qu’un rat mort. Il mérite mieux que ça. Heureusement qu’il y a Dealer de Lignes pour ça.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°107].

Bloodborne – Tome 1 – La fin du cauchemar : Ales Kot, Piotr Kowalski et Brad Simpson

Titre : Bloodborne – Tome 1- La fin du cauchemar

Scénariste : Ales Kot
Dessinateur : Piotr Kowalski
Coloriste : Brad Simpson

Édition : Urban Comics Games (2018)

Résumé :
Un chasseur sans nom se réveille dans la ville antique de Yharnam, une cité en proie à la maladie et dont les rues résonnent du râle de créatures terrifiantes.

Cherchant par tous les moyens à échapper à la Nuit de Chasse, le chasseur se lance dans une quête dangereuse et violente dans l’espoir de mettre fin au mal qui ronge Yharnam.

Critique :
Si les dessins sont bien réalisés, je me pose des questions sur le scénario qui me semble un peu foireux. Moi, en tout cas, je n’ai pas compris grand-chose et je ne poursuivrai pas cette série de dark fantasy.

On comprend qu’une maladie ronge les habitants, les transformants en créatures monstrueuses, comme des loups-garous ou des espèces de zombies.

Les chasseurs les chassent…

Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? On ne le sait pas. Celle que l’on appelle chasseuse semble être une femme, mais elle ne possède pas de forme et se bat avec un masque sur le visage. Si le covid transformait les infectés en loups-garous, je pense que ça se saurait…

Il y a un monstre, immense, énorme. Des monstres… Mais on ne sait rien de plus.

L’histoire est difficile à suivre. Sommes-nous dans un jeu vidéo où quand on perd, on revient à la vie ? C’est ce qu’une scène m’a semblé suggérer. Mais est-ce le jeu d’un gamer que nous suivons ou tout simplement des êtres vivants piégés dans un jeu vidéo grandeur nature ? Je n’en saurai pas plus.

Les dessins étaient très beaux, ce sera tout ce que je retirerai de positif de cette lecture et je ne pousserai pas le vice plus loin en lisant les deux tomes suivants.

Merci et au revoir !

Le Fléau – Tome 2/2 : Stephen King

Titre : Le fléau – Tome 2/2

Auteur : Stephen King
Édition : Le Livre de Poche (2003)
Édition Originale : The stand (1978)
Traduction : Jean-Pierre Quijano

Résumé :
Il a suffi que l’ordinateur d’un laboratoire ultra-secret de l’armée américaine fasse une erreur d’une nanoseconde pour que la chaîne de la mort se mette en marche.

Le Fléau, inexorablement, se répand sur l’Amérique et, de New York à Los Angeles, transforme un bel été en cauchemar. Avec un taux de contamination de 99,4 %.

Dans ce monde d’apocalypse émerge alors une poignée de survivants hallucinés. Ils ne se connaissent pas, pourtant chacun veut rejoindre celle que, dans leurs rêves, ils appellent Mère Abigaël : une vieille Noire de cent huit ans dont dépend leur salut commun.

Mais ils savent aussi que sur cette terre dévastée rôde l’Homme sans visage, l’Homme Noir aux étranges pouvoirs, Randall Flagg. L’incarnation des fantasmes les plus diaboliques, destinée à régner sur ce monde nouveau.

C’est la fin des Temps, et le dernier combat entre le Bien et le Mal peut commencer.

Critique :
Après avoir lu le premier tome durant le confinement, j’ai eu besoin d’une pause et après 3 mois, j’ai estimé que je pouvais entamer le second tome.

Mes amis les Gentils m’attendaient sagement et ce fut avec grand plaisir que je retrouvai Nick, Stu, Ralph, Frannie, Larry, Glen, Tommy, Joe et Mère Abigaël.

Quant aux Méchants, aux ordres de l’Homme Noir, du Patron, du Promeneur, ils sont à Cibola, ou plutôt à Las Vegas…

Si le premier tome m’avait embarqué et que je n’avais pas vraiment ressenti certaines longueurs (je l’ai lu en version intégrale, sans les coupes de l’éditeur), dans ce second et dernier tome, j’ai eu plus de mal, je n’avançais plus aussi vite, comme si je devais faire la route à pied.

Rome ne s’est pas faite en un jour, je le sais, il faut du temps pour repartir après l’extermination de 90% de la population, mais le périple de La Poubelle était long et monotone. Ce fut le passage le plus chiant, avec les comptes-rendus du comité de Boulder.

Autant ou certains passages sont longs et laborieux, autant le final a été expédié d’un coup de cuillère à pot après un périple, à pied, de plus de 1.200km et de 1.500 pages.

D’accord, je râle lorsque les auteurs font traîner les affrontements finaux pour faire des pages et qu’à la fin, on tourne en rond, mais ici, je m’attendais à un affrontement Bien-Mal d’une manière différente.

Durant des centaines et des centaines de pages, le King nous parle de deux personnages étranges dont les gens rêvent : Mère Abigaël ou l’Homme Noir, représentant le Bien et le Mal et tadaaa boum, en quelques paragraphes, c’est expédié, rayé de la carte.

Je me suis sentie grugée, surtout qu’ensuite, le King prend 90 pages pour un voyage de retour qui dure, qui dure… Ça fait un sacré déséquilibre.

Un affrontement plus travaillé et un retour plus rapide aurait été plus intelligent, même s’il y a de l’ironie et du cynisme dans la manière qu’à le King de résoudre le problème de l’Homme Noir. L’arroseur arrosé par son propre tuyau.

Malgré tout, je suis contente d’avoir ENFIN lu le Fléau car il y a une chose que je ne peux pas reprocher au King, c’est d’avoir fait preuve de manichéisme.

Certes, les Méchants ne sont pas sympas et on aimerait boire un verre avec les Gentils, mais il y a une évolution dans ses personnages car tous ont évolués, appris quelque chose, changé de caractère et même Tommy, à qui il manquait une case, a changé. Dans le camp de l’Homme Noir aussi, des consciences s’éveillent.

À Boulder, en Zone Libre, on essaie de changer, de ne pas reproduire les mêmes erreurs qu’avant, mais chassez le Naturel, il revient au galop… L’Homme a du mal à perdre ses mauvaises habitudes et ses peurs primales des Autres.

Une fois de plus, le King nous propose un livre dérangeant à bien des égards. La dictature chez l’Homme Noir semble plus simple que la tentative d’ébauche de démocratie en Zone Libre car quand un seul prend des décisions et donne des ordres, c’est plus rapide que de demander l’avis de tout le monde…

Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions et la démocratie de la Zone Libre est peut-être un mirage puisque le comité reprend les personnages principaux du premier tome.

Quand on réfléchit bien (et le King nous donne de quoi réfléchir), il y a du bon et du mauvais dans les deux camps et si la dictature est à proscrire, la démocratie a du plomb dans l’aile quand elle décide d’en envoyer certains au front…

Le Fléau, ce n’est pas qu’un simple roman fantastique pré et post-apo, c’est aussi une tentative de reconstruction, la méfiance des autres, mais aussi du besoin des Hommes de se regrouper puis de se séparer lorsque le groupe devient trop important et qu’on commence à se marcher sur les pieds.

En un mot, Le Fléau, c’est à lire !

Après une telle lecture, je m’en vais lire un Astérix, ça me fera du bien au moral…

PS : Stephen King, aurait-il par hasard une dent sur les belettes ? Parce que dans son roman, il cite mon animal totem au moins 36.000 fois et jamais pour leur jeter des fleurs…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°XX]et le Challenge Pavévasion – Saison 1 (17 mars – 15 avril ?) chez Mez Brizées [Lecture N°07 – 790 pages – Livre de Poche].

 

De mort lente : Michaël Mention

Titre : De mort lente

Auteur : Michaël Mention
Édition : Stéphane Marsan (11/03/2020)

Résumé :
Ils sont partout, mais c’est un secret bien gardé. Dans votre nourriture, vos meubles, les jouets de vos enfants. Vous êtes empoisonné, mais vous ne le savez pas encore. Tant que leur degré de toxicité ne sera pas démontré, les perturbateurs endocriniens continueront de se répandre dans notre quotidien.

Il n’y a encore pas si longtemps, Marie, Nabil et leur fils étaient heureux. Philippe était un éminent scientifique. Franck était un journaliste réputé. Désormais, ils sont tous des victimes. Aucun d’eux n’est de taille à lutter contre le puissant lobby de l’industrie chimique. Tout ce qu’ils exigent, ce sont des réponses. Mais ils posent des questions de plus en plus gênantes…

C’est le début d’une guerre sans pitié, de Paris à Bruxelles, de la Bourse à la Commission européenne, où s’affrontent santé publique et intérêts privés.

Critique :
J’imagine bien un Top Chef où on demanderait aux candidats d’épicer leurs plats à grands coups de perturbateurs endocriniens, de rajouter un peu de PCB (polychlorobiphényles) pour le goût et de ne pas oublier d’assaisonner le tout avec une touche de bisphénol A…

Plus envie de saliver devant les plats ?

Et pourtant, nous bouffons ces saloperies sans même le savoir…

Des trucs qui ne nous disent rien car nommés PFC, PCB, BPA, PBDE, APE,…

Oui, vu d’ici, on dirait ma nièce de 6 mois qui babille… Il n’en est rien.

Si je devais chanter pour résumer le roman de Michaël Mention, je vous proposerais bien du Jacques Dutronc avec du ♫ On nous cache tout, on nous dit rien ♪

Mais au final, ce sera Nolwenn avec ♫ Glacée, oh, oh, glacée ♪ (on change un peu son « cassée »).

Oui, ce roman m’a glacée. Normal, on parle de perturbateurs endocriniens (des substances capables d’interférer avec notre système hormonal), ces petits tueurs que l’on ne voit pas, que Hercule Poirot ne saurait démasquer et qui nous tuent à petit feu.

Nous mourons de mort lente, mais tout va très bien madame la marquise.

Déjà que tous les mercredis, le « Conflit de Canard » (du Canard Enchaîné) me donne des sueurs froides, mais ici, ce fut pire : sueurs froides et mains moites.

Les manœuvres perfides des lobbys, véritables gangs aussi puissants qu’une mafia; la lenteur du système; les scientifiques qui mangent à tous les râteliers; la presse qui est subsidiée ou qui appartient à des grands patrons d’industries, qui n’est plus indépendante, tant elle est à la merci de l’argent des campagnes de pubs; certaines maladies qui augmentent, dans indifférence totale…

Tout comme moi, quelques personnages du roman morflaient déjà sévèrement (Nabil, Marie, Léonard, Franck, Philippe) dans le roman, mais ce qui m’a glacé plus que tout, ce furent les campagnes de bashing que durent subir certains personnages.

La pire des choses, surtout à l’heure des réseaux sociaux qui s’enflamment très vite, où tout se partage encore plus vite, tout le monde oubliant la présomption d’innocence et où l’on mise sur les émotions des gens et non sur leurs réflexions.

Propagande, tu n’as pas fini de vivre et d’enfler. C’est aussi dévastateur qu’une exécution musclée du gang des MS-13, le sang en moins. Après, on ne s’en relève jamais tout à fait.

Le roman de Michaël Mention parle d’un sujet difficile, que personne n’a envie de lire parce que la politique de l’autruche est plus simple et que de toute façon, après moi, les mouches…

Et pourtant, même avec un sujet rébarbatif au possible, l’auteur arrive à nous faire vibrer, à nous instruire, à nous faire peur, à nous faire vivre ce combat perdu d’avance entre David le citoyen lambda et Goliath, la grosse industrie qui se la joue comme un gang.

Les personnages font beaucoup, on s’y attache, on vibre avec eux, on s’insurge à leurs côtés, on vocifère, on a envie de hurler que « Putain, c’est trop injuste » et de dégommer certains méchants, qui sont réussis eux aussi, même s’ils sont toujours dans l’ombre et qui envoient leurs « hommes » faire le sale boulot.

C’est d’un réalisme saisissant, quasi un reportage journalistique, sauf que ce reportage est romancé pour faciliter son ingestion. Ne comptez pas le digérer, c’est de notre santé et de notre vie qu’il en est. Une fois de plus, l’auteur me marque au fer rouge.

L’écriture de Michaël Mention me plait toujours autant, elle est reconnaissable entre toutes, c’est sa patte : jamais barbante, toujours intéressante, brassant large, tapant sous la ceinture et tout le monde en prendra pour son grade dans notre société.

Comme quoi, on peut instruire les lecteurs sans les noyer sous les informations, les pousser à s’interroger, les entraîner dans une histoire glaçante, aux côtés de personnages qui, comme nous, vont en baver.

Des romans glaçants, j’en ai lu beaucoup. Même des plus horribles que celui-ci, de ceux qui ont terminé dans mon freezer, car trop éprouvant à lire.

La seule différence, c’est qu’ils se déroulaient loin de chez moi, soit dans des autres pays, soit dans une autre époque. Ça m’avait remué les tripes, mais je me sentais protégée par la distance ou le temps.

Ici, je ne puis me protéger, je suis dedans jusqu’au cou… Et vous aussi. Glaçant. Dérangeant. Angoissant. Du grand art.

Bon appétit, s’il nous en reste.

PS : Michaël, désolée, mais vu ce que tu as osé faire à Starsky, tu viens d’intégrer ma kill-list, aux côtés d’Olivier Norek (son utilisation du micro-onde n’est toujours pas pardonnée) et de Bernard Minier (la scène de « Glacé » dans la montagne n’est toujours pas digérée non plus). Il est des choses qui ne se font pas, même dans un roman.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lectures N°01].

Pour mourir (lentement) moins bête… Mais on mourra quand même.

  • PFC (composés perfluorés) : s’accumulent dans les êtres vivants, causant des problèmes de développement et de la reproduction ainsi que des troubles du métabolisme. Ils sont cancérigènes et agissent sur les hormones thyroïdiennes.
  • PCB (polychlorobiphényles) : ils sont toxiques, écotoxiques et reprotoxiques (y compris à faible dose en tant que perturbateurs endocriniens). Ils sont classés comme cancérogènes probables.
  • BPA (bisphénol A) : Son écotoxicité est encore en débat, mais en juin 2017, après que le Canada l’a classé comme reprotoxique, le comité des États-membres de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a classé à l’unanimité le bisphénol A parmi les substances extrêmement préoccupantes du règlement REACh, en tant que perturbateur endocrinien.
  • PBDE (polybromodiphényléthers) : ils sont une suite de 209 produits chimiques bromés différents, dont certains sont ou ont été utilisés pour ignifuger les matières plastiques et les textiles. Ils ont aussi été utilisés à haute dose dans les années 1970 et 1980 pour l’extraction pétrolière. Plusieurs de leurs propriétés physiques rendent les composés de cette famille dangereux.
  • APE (éthoxyates d’alkylphénol) : En tant que composés xénobiotiques (c’est-à-dire en tant que molécule artificielle introduite dans l’environnement) ils sont considérés comme étant des perturbateurs endocriniens.